Les Sargasses, l’algue brune qui agace les îles des Caraïbes

 

 

Depuis 2011, la zone Caraïbes connaît un vaste échouage sans précédent d’algues sargasses ou algues brunes. Les belles plages touristiques situées au vent en sont les premières et seules victimes. Les  courants océaniques et les alizées font dériver d’immenses plaques qui viennent boucher les rivages, les ports et les plages, avec des conséquences sanitaires et économiques considérables.

 

D’où viennent-elles ? 

 

 

 

De la mer des Sargasses blottie entre les deux Amériques ou du Brésil ? Quoi qu’il en soit, elles viennent de la mer et ce phénomène n’est pas nouveau. L’explorateur Christophe Colomb, lors de ses explorations aux Amériques, était tombé avec grand étonnement sur cette marée brune recouvrant l’océan à perte de vue, croyant avoir atteint des eaux peu profondes et que la terre n’était plus très loin. Mais en réalité, il se trouvait très loin des Bahamas avec plus de 4000 mètres sous sa coque. Ce sont près de 50000 tonnes d’algues qui s’échouent chaque année en  Guadeloupe, ses dépendances ainsi qu’en Martinique.

L’amplification du phénomène serait dû à une augmentation de la température de la mer et au vent, qui influent fortement les courants océaniques et la pollution des océans liée à l’activité humaine (eau usée, ruissellement des sols avec apport de fertilisant, hydrocarbures…). Les scientifiques sont sûrs d’une chose, c’est que ce phénomène insoupçonné est dû à quelque chose qui s’est passé quelques années auparavant. Toutefois, les causes ne solutionnent pas le problème aujourd’hui.

 

L’impact sur la vie des insulaires

 

Plages désertes, odeur infecte

Les plages sont vides

Carbets vides, restaurants aussi

Plus de bikini

 

On pourrait en faire une parodie musicale sur la chanson bien connue du groupe Image : « Les démons de minuit », mais cela suffit à résumer ce qu’il se passe partout où les algues viennent mourir en lieu et place des vagues de la mer. Après le passage successif des ouragans Irma et Maria, en 2017, au lendemain du phénomène cyclonique, toutes les algues brunes avaient  disparu. Les plages ont été nettoyées et ont retrouvé  leur éclat bleu, au grand bonheur de tous. Mais la joie a été de courte durée. Elles sont de retour, perturbant l’activité touristique, économique et surtout les activités liées directement à la mer sont fortement impactées.

L’odeur infecte que dégagent les algues lorsqu’elles rentrent en putréfaction (les micro-organismes et les poissons emprisonnés à l’intérieur des Sargasses qui occasionnent l’odeur pestilentielle, une fois hors de l’eau) est néfaste pour les personnes ayant des maladies liées aux voies respiratoires et quand bien même l’on ne serait pas sensible, il est tout bonnement impossible de tenir très longtemps.

 

L’Agence Régionale de la Santé à entrepris une campagne de mesure des quantités de sulfure d’hydrogène présentes dans l’air  sur les communes les plus touchées. Ces mesures ont révélé que certains dépôts d’algues en décomposition peuvent occasionner des risques pour la santé. Des doses peuvent avoir pour effet une irritation des yeux (conjonctivite, gêne à la lumière vive) et des voies respiratoires (rhinite, enrouement, toux, douleur thoracique).

Les personnes asthmatiques y sont particulièrement sensibles, ainsi que les jeunes enfants et les femmes enceintes. (ARS Martinique)

 

Cette situation a entraîné la fermeture définitive de certains restaurants à cause de la désertification des plages mais aussi de l’eau de mer qui devient marron et puante.

 

La baignade dans les eaux infestées est urticante car la houle aussi est reculée, l’eau n’étant plus oxygénée et renouvelée. L’échouage est si épais que la mer ne peut bouger la masse d’algues. En 2016, il était même possible de marcher sur des matelas d’algues à la Porte d’enfer, sans couler.

Certains complexes hôteliers sont obligés de fermer, d’annuler des réservations voire de licencier du personnel. L’investissement des hôtels et des communes pour ramasser ces algues est un abysse financier. Il suffit d’une nuit ou de quelques jours seulement pour tout recommencer à zéro sans avoir rien gagné.

 

Certaines écoles sont en voie d’évacuer les élèves vers d’autres établissements en attendant un retour à la normale pour une réhabilitation des lieux.

Les pêcheurs sont obligés d’ancrer leur bateau derrière le banc d’algues, qui peut atteindre les 300 mètres presque du rivage.

Les navettes touristiques qui relient les petites îles dépendantes ne peuvent plus accoster car elles aspirent l’eau de mer pour refroidir leur turbine.

La Karujet, un championnat international annuel de course de jets-ski, s’est tenue dans des conditions déplorables avec des engins de terrassement qui essayaient tant bien que mal d’ouvrir une brèche  aux compétiteurs.

Lorsque le vent d’Alizée est fort, l’odeur circule à l’intérieur des terres exposées sur des kilomètres.

 

 

La vie marine dans les faibles profondeurs est compromise quand le radeau d’algues racle le fond et fait obstacle à la lumière. Il y fait sombre et l’eau est chaude. Les petits poissons du récif meurent et contribuent à polluer l’air environnant. Les crabes vivant sur les rochers ne peuvent plus se nourrir à leur tour et finissent par mourir aussi. Les tortues marines qui viennent pondre ne peuvent le faire et si ponte il y avait déjà, les petits qui vont éclore ne pourront pas rejoindre la haute mer. Ils seront dévorés par les crabes de sable appelés « touloulou » et par les oiseaux. La catastrophe  pourrait avoir plus de conséquence à long terme qu’on l’aurait imaginé.

 

Pour le moment, même s’il existe des alternatives pour recycler les algues brunes, les îles sont asphyxiées dans tous les sens du terme et ne veulent qu’une chose : des moyens draconiens et efficaces pour contrer les envahisseurs, mais reconnaîtrons-nous un jour que nos maux sont souvent les conséquences de nos actions et que la nature n’a rien demandé, elle fait ce qu’elle a à faire, tout simplement. On sait depuis longtemps que c’est sous la mer des Sargasses que les anguilles viennent pondre leurs milliards d’œufs, pour donner naissance à des larves abondantes qui se transformeront en  civelles, des alevins, avant de rejoindre les eaux douces où elles passeront leur vie jusqu’à la maturité sexuelle qui les ramènera vers la mer des Sargasses, un cycle semblable à celui des saumons dont on raffole. Il est grand temps de trouver dans ce phénomène une nouvelle opportunité à l’emploi durable dans le respect de l’environnement, et très vite.

 

 

Redacteur Cocks Georges

Secrétariat de rédaction : Colette Fournier

© PLUTON MAGAZINE 2018

Crédit photo: Pluton-Magazine/G.COCKS

 

 

 

 

 

 

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