« Making Waves, The Art of Cinematic Sound »

« Making Waves, The Art of Cinematic Sound »

                        A film review by Caroline Chu

Making Waves, The Art of Cinematic Sound fut présenté durant le Festival de Cannes 2019, comme film de la sélection officielle hors compétition de Cannes Classics. J’ai eu la chance d’y rencontrer Midge Costin, sa réalisatrice. Monteuse son à Hollywood pendant 25 ans, Midge est professeur au département montage et mixage sonore de l’université USC School of Cinematic Arts, en Californie.

Le son qui apporte tant d’émotion, qui apporte tant à l’histoire, et aux personnages d’un film, détient une importance dont le spectateur n’a quasiment pas conscience. C’est cette volonté de rendre justice à un élément crucial de l’art cinématographique qui a animé Midge Costin durant 7 longues années pour mettre à bien ce projet de film documentaire qui fait figure aujourd’hui de témoignage incontournage dans les archives du 7e art.

Making Waves retrace l’histoire du son au cinéma et souligne son impact.

Il explore ce monde souterrain et caché à travers le témoignage passionné de ceux qui créent l’univers sonore des films, qu’il s’agisse des réalisateurs, des monteurs son, des mixeurs ou des sorciers du bruitage.

Ce documentaire explore des moments clés de l’histoire du son au cinéma.

C’est à partir du film King Kong, en 1933, que la création du design sonore, tel qu’on l’envisage aujourd’hui, a vu le jour. Grâce à l’ingéniosité de Murray Spivak, le concepteur sonore de King Kong, dont la mission était de créer un son unique pour un personnage qui n’existait pas, des techniques encore en vigueur aujourd’hui ont été innovées sur ce film. Murray Spivak eut l’idée de combiner des grognements de tigres joués au ralenti et à l’envers, avec des grognements de lions, joués au ralenti mais à l’endroit, ce qui créa cet étrange grognement qu’est devenu celui de King Kong.

C’est aussi grâce à Barbra Streisand, convaincue que le son était un élément crucial dans le succès d’un film, que A Star is Born, en 1976, dans lequel elle interprétait le personnage principal, fut non seulement enregistré en live mais également projeté dans des salles de cinéma équipées d’un système stéréophonique. Ce qui contribua à apporter une dimension supplémentaire au cinéma, en ne le réduisant plus à n’être que la simple projection d’images en mouvement sur un écran, mais à devenir l’incarnation d’une véritable expérience sonore enveloppante.

La sortie en salle de Star Wars en 1977, marque elle aussi un tournant dans l’histoire du design sonore. C’est en effet la première fois que des sons naturels et familiers sont utilisés pour évoquer un univers futuriste, les films de science fiction de l’époque avaient recours à des sons éléctroniques impersonnels, rendant l’expérience de la projection en salle moins imprégnée de réalisme. La sortie de Star Wars au cinéma provoqua un véritable engouement du public que l’on peut expliquer en grande partie par l’expérience sonore inédite que ce film représentait.

L’intérêt d’un documentaire tel que Making Waves est de combattre les idées préconcues que l’on peut facilement avoir et selon lesquelles le son ne reviendrait qu’à enregistrer ce qui semble se passer devant la caméra. En réalité, l’univers sonore d’un film est écrit, tout autant que le scénario.

C’est ce dont nous parle Ben Burtt, le designer sonore de Star Wars, qui consacra pratiquement une année entière à enregistrer des sons de toutes sortes, pour créer les voix des Wookies, de Chewbacca, ou de R2D2.

C’est également ce que l’on comprend à travers les propos de Walter Murch, responsable du montage et du son pour le film Apocalypse Now. Le travail de Walter Murch sur ce film fut comparable à celui d’un compositeur et d’un chef d’orchestre. Walter Murch travailla l’écriture d’un scénario des différents éléments sonores du film afin de guider le mixage. Il désigna un monteur différent pour chaque couche sonore qui composait le film. Un monteur était en charge de monter les voix d’ambiance, un autre devait monter tout ce qui avait trait à l’hélicoptère, un autre tout ce qui avait trait au bateau, etc. Chaque monteur son devenait responsable d’une couche sonore comme un musicien peut l’être de son instrument de musique, trouvant ainsi sa place dans l’orchestration finale, la phase de mixage du film. 

Le montage son d’Apocalypse Now a nécessité 1 an et demi et il fallut 9 mois supplémentaires pour faire le mixage.

Mais le film marque également un tournant dans l’histoire du son au cinéma à travers la manière dont il fut projeté en salle. Un traitement sonore donnant l’impression au spectateur d’être en immersion totale avec l’histoire qui se joue devant ses yeux.

Avec Apocalypse Now, un tout nouveau système audio fut expérimenté, celui destiné à reproduire 6 canaux sonores, appelé communément aujourd’hui le format multicanal 5.1.

Making Waves nous laisse également à entendre d’autres maîtres du son, qui nous révèlent eux aussi leurs secrets sans que cela n’enlève rien à la magie du cinéma. Au contraire, ce documentaire nous fait prendre conscience de la délicatesse et de la subtilité de leur travail qui donne vie aux images.

Après avoir vu ce film, vous n’écouterez plus jamais les films de la même manière.

Sortie en salle le 1er novembre dernier au Royaume-Uni, Making Waves sera sur les écrans français très prochainement.

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« Making Waves » a Film review by Caroline CHU

Pluton-Magazine/Paris16/2019

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Caroline Chu est une réalisatrice britannique ayant vécu longtemps en France. Elle a notamment réalisé Le Miraculé de Saint Sauveur, court-métrage sélectionné dans de nombreux festivals étrangers , notamment le prestigieux Palm Springs International Film Festival, ainsi que le moyen métrage Le Dragon et le Phénix nommé meilleur film étranger au Festival de Bare Bones aux États-Unis. Son long métrage Krank est sorti en salle à Paris le 14 février 2018. Elle vit actuellement à Londres où elle travaille sur de nombreux projets. Depuis 2019, elle enseigne le cinéma au Fine Arts College à Londres

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