3 questions à Colette FOURNIER
Pour cette nouvelle formule d’une promenade en poésie nous sommes allés à la rencontre des poètes en leur posant quelques questions sur les recueils qu’ils publient.
Pour ce numéro 1 nous recevons Colette Fournier pour « Voyageur de nuit assis côte à côte » publié aux Editions La Centaurée.
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Vous n’en êtes pas à votre premier recueil, qu’est-ce qu’il y a de particulier avec Voyageurs de nuit assis côte à côte ?
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Les autres recueils étaient davantage marqués par une déambulation extérieure. Je suis une grande marcheuse urbaine qui se laisse traverser par les images, les sons, les odeurs, les rencontres impromptues. La poésie permet de rassembler ces fragments épars, et sans donner d’ordonnancement ou de préséance, d’en traduire et imager les émanations. C’est une façon de partager avec autrui, d’échanger sa vision sans jamais l’imposer et de questionner l’imaginaire, parfois avec fantaisie.
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Corsage d’eau, temps d’orage
sur ma peau
Feuilles trempées, rousseur volée
au soleil d’automne
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Te souviens-tu que je t’ai donné cette robe ?
Souliers de terre, mousse farouche
ombre brassée de tiges douces
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Jamais ne s’oublie le temps des abandons
La forêt était notre maison
dont les portes enfoncées
voyaient courir la lumière
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Ce dernier recueil est plus une marche à rebours à l’intérieur de moi-même, mais je ne lâche pas pour autant la main des voyageurs de nuit : ce sont les insomniaques, les travailleurs, les égarés, les amoureux déçus. J’avoue y révéler beaucoup de mes propres tensions d’une façon plus intime. Je n’avais pas cette intention au départ, mais il y avait sans doute une nécessaire transition à opérer (bien que je n’aime pas du tout l’idée d’une poésie cathartique), le besoin de poser un regard un peu troublé sur les autres comme sur moi.
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La structure du recueil est assez surprenante. Il n’y a pas de numérotation de pages. Serait-ce une façon de retenir le lecteur ?
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Il n’y a pas non plus de code-barres, ce qui agace régulièrement les libraires et les distributeurs. Mais il s’agit là d’une volonté affirmée de l’éditrice Valérie Ghévart. Il s’agit même plutôt d’un choix esthétique, car elle estime que la pagination et les ajouts techniques enlaidissent le livre, qu’elle considère avant tout comme une petite œuvre d’art en soi. Quand elle m’a proposé d’éditer les textes qu’elle avait repérés, j’ai décidé de la suivre sans contester ses choix. Cela me paraissait important de lui faire confiance sans amener de pensées stéréotypées. Le format mince et long en surprend beaucoup mais je tenais, quant à moi, à ne pas proposer une pléthore de textes. En poésie, l’abondance n’est pas toujours de bon aloi. Mais le lecteur n’a pas à être retenu, ce serait antinomique avec le mouvement et le voyage libre que propose la poésie, selon moi.
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Chaque recueil est personnel. Y aurait-il un message dans cette promenade où vous semblez arracher le lecteur de ses activités quotidiennes pour l’obliger à jeter un autre regard sur le monde qui l’entoure ?
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Pratiquant aussi la photographie, langage que je trouve très complémentaire, je suis très frappée de voir à quel point les gens n’observent pas leur cadre de vie, pas plus qu’ils ne regardent autrui. Repliés dans une virtualité de plus en plus présente, beaucoup semblent perdre les précieux présents que nos cinq sens nous offrent constamment, qu’ils soient beaux ou tragiques. Et aussi le fruit de nos réflexions silencieuses. Alors, plutôt que d’arracher brutalement un lecteur infortuné à ce qui le passionne, je suis davantage dans l’attitude d’une personne qui ouvrirait une fenêtre ou une porte et inviterait sans pression à aller regarder ce qui se passe là. Je ne crois pas à la poésie injonctive et encore moins au poète voyant ou donneur de leçons. Le terme promenade me semble donc très approprié, chacun pouvant s’y joindre à son propre pas.
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Voyageurs de nuit
assis côte à côte
dans le murmure de novembre
à l’heure où l’humain se fait rare
nous avons parlé doucement
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Quand le cœur de la ville s’éloigne
et que la violence de ses mœurs
s’étouffe dans les nuages
ce qui ne s’avoue jamais grandit
comme un toit
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Pluton-Magazine/ Une promenade en poésie/2019
Librairies et liens:
Galerie Le 10,
10 rue du Refuge
13002 Marseille https://www.facebook.com/Le-10-594594070996528
Librairie l’Encre de Bretagne28 Rue Saint-Melaine35000 Renneshttps://encredebretagne.bzh/
Librairie Le Failler 8-14 Rue Saint-Georges35000 Renneshttps://www.librairielefailler.fr/
Le forum du livre 11 Rue de la Visitation35000 Renneshttps://www.librairieforumdulivre.fr/
Librairie La nuit des temps 10 Quai Emile Zola35000 Rennes https://www.facebook.com/librairielanuitdestemps/
Librairie L’Esperluette
10 Rue Noël Ballay28000 Chartres