Maryse Allard Le Roux : la passion du Pojagi.

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Rencontre avec Maryse Allard Le Roux artiste Pojagi. Un art typiquement coréen qu’elle affectionne tant.

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Comment avez-vous été amenée à pratiquer cet art ? Quel a été le déclic ?

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Après plusieurs années d’activité dans l’exportation, je me suis tournée vers le textile, car il avait fait partie de ma vie depuis ma petite enfance. J’ai pratiqué le patchwork durant plusieurs années et animé des ateliers dans une association de la région parisienne. En parallèle, je faisais partie d’un groupe d’artistes (peintres, aquarellistes, textiles…) qui travaillait sur différents thèmes ou inspirations d’artistes. Un jour, la transparence est arrivée ! Après quelques recherches, j’ai rencontré le pojagi à travers un livre coréen ! La transparence m’a fascinée tout de suite et je suis donc une autodidacte totale dans le domaine du pojagi.

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J’ai eu le plaisir de rencontrer l’artiste qui avait écrit le livre et j’ai pu continuer mon apprentissage. J’ai tout de suite voulu expérimenter les différentes techniques et présenter cet art en France sans mesurer l’importance qu’il allait prendre dans ma vie. Tout d’abord dans l’association où je travaillais puis très rapidement dans des salons textiles en France. Le public était habitué au patchwork classique avec deux ou trois épaisseurs, donc cette transparence et le fait qu’il n’y ait ni envers ni endroit intriguait.

Peu à peu, j’ai été invitée à donner des cours d’initiation dans de nombreuses régions de France, puis en Europe et l’an passé en Russie. Pour moi, la transparence reste un des points essentiels de cet art ancestral. Le pojagi m’a permis également de découvrir et d’approfondir ma connaissance de l’histoire de la Corée, grâce aux recherches effectuées pour écrire mon livre et surtout grâce à mes amies coréennes, artistes elles-mêmes, qui m’ont reçue et soutenue avec beaucoup de gentillesse.

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Vous avez été amenée à présenter votre travail dans plusieurs parties du monde. Quelle a été la réaction du public ?

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J’ai eu le plaisir d’être invitée à exposer en Espagne et en Italie très rapidement, car j’étais pratiquement la seule à présenter cet art. Cet encouragement a été très important pour moi et m’a incitée à continuer, à chercher et à réaliser, tout en donnant ma touche personnelle. Puis ce fut la Corée avec le Korean Bojagi Forum organisé par Chunghie Lee, une artiste extraordinaire qui a exposé au Victoria et à l’Albert Museum de Londres et dont Jungsookouh Lee était curatrice. Les deux dernières années ont encore été riches en rencontres, en Turquie, au Japon et en Russie.

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À chaque fois, l’accueil du public est extraordinaire et intéressé. Le désir de découvrir cet art ancestral, de connaître l’histoire de la Corée et de ces femmes est très fort. Beaucoup de questions autour de la technique mais aussi des matières utilisées, de l’usage de ces œuvres. Grâce à tous ces échanges, j’ai l’impression d’être un pont entre la culture coréenne et ma propre culture européenne, française.

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Le Pojagi reste un art typiquement coréen. Avez-vous un angle particulier pour ce travail ? en ce sens, estimez-vous être plus proche des créations coréennes ou avez-vous essayé de l’adapter à votre environnement ?

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Oui, bien sûr, le pojagi reste un art typiquement coréen et à chaque fois que j’ai le plaisir de le présenter en France ou ailleurs, j’insiste bien sur ce fait. Je ne cherche surtout pas à m’approprier cet art, je reste comme je l’ai dit un pont entre nos cultures et je crois que c’est pour cette raison que les artistes coréennes m’ont acceptée dans leurs groupes. Ma sensibilité est bien sûr éloignée de la tradition coréenne, même si parfois je me sens très proche d’elle, et mon propos est surtout de ne jamais copier. J’ai appris et perfectionné ma technique, je continue d’ailleurs à apprendre et cela me passionne, mais mes sources d’inspiration viennent de ma propre sensibilité. J’aime la simplicité, la légèreté et la pureté. J’aime la période du Bauhaus, l’architecture Art Nouveau mais aussi le travail de Pierre Soulages et quelquefois même une sculpture ou un vitrail me mettent au travail. À chaque voyage en Corée, je visite des musées et des ateliers d’artistes afin de m’imprégner davantage !

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Par contre, en matière de technique, je tiens à la technique traditionnelle la plus pure et persiste à y rester. J’ai dû m’adapter et trouver des matières en France, car bien sûr, nous ne disposons pas des magnifiques soies et fines ramies qui sont fabriquées en Corée. Je travaille donc essentiellement l’organdi de coton, de soie mais aussi la soie, le lin et la batiste, des matières intéressantes qui se sont adaptées au pojagi. Pour certaines œuvres, j’utilise des matières achetées en Corée, de la ramie très fine, de la soie mélangée à de la ramie…  Là encore, c’est souvent l’occasion d’échanges très amicaux et chaleureux avec mes amies coréennes. Nous nous enrichissons mutuellement grâce à cet art et c’est toujours avec beaucoup d’émotion que je les retrouve.

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Avez-vous des difficultés à exposer en France ? et lesquelles ?

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J’ai la chance d’exposer régulièrement en France dans des salons textiles, mais je dois constater que l’art textile n’a pas beaucoup de valeur encore, comparé à des arts « majeurs » comme la peinture, la sculpture. Je le regrette beaucoup, car à chaque voyage en Corée, j’ai le plaisir de visiter de nombreuses expositions de pojagis dans des galeries comme cela se fait ici en France. Il y a là-bas une reconnaissance de cet art ancestral qui est bien méritée et qui enrichit la création. Je me réjouis de voir que de magnifiques expositions présentées au Musée Guimet à Paris, autour du pojagi ou du hanbok, costume traditionnel coréen, ont un succès important.

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On peut donc dire que je n’ai pas de difficulté à exposer dans des salons textiles mais dans les salons artistiques, je pense que le pojagi est  encore peu connu, ce qui reste un regret. Je continue donc à travailler pour que cela change et toute occasion de rencontre ou d’échange autour du pojagi est bienvenue pour moi et cet art. Je remercie très sincèrement  Dominique Lancastre de me donner la parole afin de partager ma passion.

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Enfin avez-vous des projets en cours ? 

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Cette année, je prévois de participer à des salons textiles en France, en Espagne, en Corée pour le Korean Bojagi Forum et en Russie où je souhaite présenter des vêtements autour du pojagi comme je l’ai fait déjà l’an dernier. Une expérience excitante et encore l’occasion de retrouver mes amies artistes coréennes et russes.

En ce qui concerne mon travail personnel, je souhaite surtout mettre l’accent sur les courbes, car j’aime les challenges. Je n’ai pas encore terminé mon histoire avec le pojagi, je souhaite retourner en Corée d’ici la fin de l’année. Grâce à cet art ancestral et surtout réalisé par des femmes, les liens se sont créés, tissés et sont devenus très forts.

Je continuerai également à partager ma passion dans la newsletter que j’essaie de proposer chaque mois afin de faire découvrir un peu plus d’artistes ou des arts textiles coréens.

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Dominique LANCASTRE (CEO Pluton-Magazine)

Pluton-Magazine/2020/ Paris 16

Petite histoire du Pojagi: https://maryseallard.blogspot.com/p/un-peu-dhistoire.html

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