[Pensée] Pourquoi l’idée de vieillir nous terrifie-t-elle autant ? Pourquoi vieillir devrait-il être aussi négatif ?

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Par Alain « Dobrah » Michigan

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.Parce que nous sommes conditionnés à penser de la sorte. La pression sociale, la publicité et les campagnes médiatiques nous entraînent à penser que les moments fugaces de la jeunesse sont tout ce que nous devrions valoriser. Ils ont besoin que nous pensions de cette façon et que nous nous sentions malheureux dans notre situation actuelle pour que nous achetions leurs sérums, leurs pilules magiques qui nous promettraient jeunesse et vitalité. Cette situation n’est pas propre qu’au monde de la danse en particulier. Nous commençons tous à parler comme si nous avions dépassé la limite dès nos vingt-six ans.

Cet état d’esprit nous pousse à abandonner. Peut-être pas ouvertement, mais inconsciemment nous commençons à nous laisser aller tout en nous accrochant aux jours de gloire de notre jeunesse.

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 » Je ne peux plus faire ça parce que je vieillis. Ça doit être bien d’être jeune… Mon corps ne peut plus avoir l’air aussi bien adapté. Je ne peux pas passer au travers de cette variation sans en être essoufflé, à la limite de la mort … alors descendons juste d’un cran, de deux crans ? … et ensuite tout simplement abandonner ? Disparaître ? Nous sommes convaincus d’être déjà sur le déclin, alors pourquoi essayer de le combattre ? Nous utilisons l’âge comme excuse. Mais si c’était plutôt une autre opportunité qui s’ouvrait à nous ?

Si nous y réfléchissons bien, quel que soit notre âge actuel, nous pouvons toutes et tous nous sentir vieux ou jeunes selon les jours et les circonstance du moment. Quelles que soient les raisons, vieillir ne signifie pas pour autant la fin des opportunités, mais un plus. Fatalité ou opportunité ? La vieillesse est perçue différemment par chacun. La seule certitude que nous ayons tous est qu’elle est inéluctable. Tout en sachant cela, comment utiliser ces moments qui nous restent et continuer à les faire fructifier d’une façon ou d’une autre ?

Mon prochain anniversaire tombera un jour de l’année prochaine. Et de mon point de vue, cette opportunité, ce laps de temps qui s’offre devant moi, sont des possibilités, des moments en plus à utiliser comme moyen d’apprendre, de développer une autre façon de mettre en valeur dans le partage toutes ces expériences acquises durant les années écoulées. Tout cela n’est possible que si ces désirs sont encore présents. Que si la porte du développement continuel avec ses propres moyens et non le besoin de faire comme les autres, nous pousse à exister du mieux que possible… C’est un état d’esprit enfoui en soi, qui ne demande qu’á continuer à exister, resurgir tout en nous dirigeant vers d’autres horizons, sans pour autant perdre ce que nous sommes en tant qu’êtres complexes et simples à la fois… L’énergie de la jeunesse nous porte, nous aide sans être perturbée par le qu’en dira- t-on, la pression sociale, alors que celle de la maturité des années qui passent nous apporte la conscience, la réflexion et la responsabilité dans nos choix. Tout cela sans pour autant perdre le rêveur toujours là en nous, prêt à s’exprimer à travers la moindre occasion qui se présentera. Après avoir pris conscience de tout cela, n’oublions pas que se sentir jeune à 20 ans ne s’exprimera jamais de la même façon avec les années qui s’écoulent inexorablement. S’accrocher au passé ne peut qu’apporter frustration et déception. Choix actif de continuer d’exister ou refus de l’abandon ? Que chacun décide non pas pour satisfaire un groupe social, professionnel et culturel, mais son désir personnel qui ne peut être que respecté.

Personnellement, le désir de la scène ne me porte plus autant qu’avant alors que l’amour de danser, oui. Alors, quoi faire et comment continuer à exprimer cela ? Je pourrais encore tout simplement fréquenter les salles de spectacles et m’en mettre plein la vue ou tout simplement exprimer cet amour par le partage à travers l’enseignement, la chorégraphie, tout en apportant ma propre vision artistique à cette forme d’art ? Ce choix ou ces choix fluctuent en fonction de l’humeur du moment sans pour autant que je me laisse distraire longtemps par autre chose, sans pour autant me refermer sur moi-même hors du monde qui se déroule devant moi alors qu’il est source d’étonnement, de frustration … de déception, mais toujours plein de surprises d’une manière ou d’une autre… et surtout d’inspiration.

Par exemple, le confinement imposé ne devrait pas tarir ce désir de s’exprimer ou être un obstacle parce que les conditions favorables ne seraient pas réunies. Au contraire, il me pousse à trouver d’autres moyens qu’heureusement, la technologie à ma disposition, si utilisée intelligemment, m’apporte. Je viens de terminer toute une série d’exercices qui me serviront pour plus tard dans mes cours ou tout simplement pour moi personnellement et encore les deux à la fois.

Demain ce sera autre chose, comme cet article que j’écris. Alors pourquoi ne pas voir tout ce temps devant nous comme une opportunité, un défi ? Ce n’est pas plus différent face aux années qui s’accumulent et qui pourraient être vues comme un frein si on ne dirige pas notre esprit vers une autre façon de s’exprimer malgré l’âge ? … Je fais peut-être une disgression en mélangeant l’expression des années sur le corps, ses conséquences et le confinement. Ce que j’essaie de dire à travers cela, malgré les obstacles qui peuvent se dresser devant nous à tout moment, le confinement en est un, et il y en aura toujours un sur toutes ses formes possibles. Aller de l’avant ne devrait pas en être perturbé si on ne s’accroche pas vainement à l’idée que seule une façon est possible, si on ne laisse pas l’ego nous pervertir en devenant soi-même son pire ennemi… mais, encore, c’est à chacun de voir, bien que tout choix devrait être accepté et respecté dans ce domaine. « 

Merci de m’avoir lu.

Alain “Dobrah” Michigan

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Pluton-Magazine/2021/paris16

Alain « Dobrah » Michigan , professeur de danse à  Move onJohn Harris Fitness Center et Broadway Dance Connection. (Vienne, Autriche) alainmichigan@yahoo.fr
Alain « Dobrah » Michigan (Rédacteur Pluton-Magazine, rubrique Danse)

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