Notre futur est-il si inconnu que cela ?

  Par Georges Cocks

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Voilà une équation mathématique à s’arracher les cheveux. Pour certains, nous ne savons même pas ce que nous allons faire demain et pire encore, nous n’avons aucune garantie de voir ce futur court même dans les conditions les plus optimales. Le futur semble nous échapper. Pourtant les mots : projet, projection, objectif…  sont les carburants du registre futuriste qui conditionne notre présent dont les cinq minutes suivantes sont un futur accroché à notre capacité d’être en vie à l’échéance de ce temps.

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Aujourd’hui, le futur lointain semble plus réel que le futur immédiat. Il n’est pas encore palpable mais nous l’admirons tous à travers un mur de verre. Nous l’honorons, nous nous languissons même de lui. Sans le savoir, la révolution industrielle du XIXe siècle allait être la locomotive du futur. La société agraire et artisanale va alors tirer sa révérence au profit d’une société commerciale et industrielle. Le développement et la maîtrise de nouvelles formes d’énergie va permettre de produire plus mais surtout d’innover pour que la raison d’exister de l’industrie reste une envie sous-jacente de consommateurs avides. La conquête de l’espace va ouvrir le champ des scénarios. Au diable les missions, il faut fouler le sol. C’est déjà une habitude terrestre de l’homme dans sa colonisation de territoire. En 1969, l’exploit est fait. On marche sur la lune ! Quatre ans auparavant, le premier satellite artificiel de communication Intelsat I était placé en orbite géosynchrone. Plus rien n’allait pouvoir freiner le grappillage sur le futur. Désormais, le ciel a un œil sur ce qu’il se passe sur la terre. L’œil d’Horus va permettre la sophistication de tout. De l’arme de guerre au bouton d’urgence de secours dans votre véhicule.

À l’instant présent, les hommes savent déjà  comment ils vont être soignés dans 50 ans, ce qu’ils mangeront et comment ils seront vêtus… Ils testent et fabriquent des prototypes parfois dans le plus grand secret. Les divertissements du cinéma ne sont pas vraiment de la science-fiction mais une projection réaliste de ce qui nous attend. Ce ne sera qu’une justification, un quitus pour continuer sur une voie encore plus périlleuse pour l’humanité dont la technologie du futur sera toujours là pour réparer les erreurs humaines, et seules quelques personnes auront droit à ce traitement de faveur. Le temps ne nous appartient pas et pourtant nous savons faire des projections météorologiques. Donc, nous sommes logiquement en mesure de prévoir les conséquences de nos actions catastrophiques pour la planète. Partant de cette logique, nous pouvons en conclure que nous avons défini à l’avance le genre de futur que nous aurons. Comme le calcul de la trajectoire d’une comète dans 10 ou 20 ans.

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Aujourd’hui, nous nous trouvons face à des individus, conseiller d’État, maître de conférences, professeur… ,pour ne citer que ces titres-là, qui jouent à des jeux d’influences dangereux. Ce sont eux qui tracent le plus souvent les directives gouvernementales. Ils écrivent et décrivent déjà la vie de demain sur tous les points de vue : santé, économie, politique, technologique… Le développement de l’intelligence artificielle est l’allié de taille pour garantir la réussite des projets pour l’avenir. Le fait de l’introduire petit à petit dans la vie des humains permet une accommodation avec l’environnement jusqu’à en devenir les prescripteurs. On parle de Big Pharma, certains n’en veulent pas et réclament des traitements plus proches de la nature de l’homme. Mais pourquoi Big Pharma sera-t-il l’industrie par excellence de demain ? Dans un essai publié sur l’avenir de la vie et la question de savoir ce que sera la vie en 2050, Daniel Cohen, généticien, déclare que : L’industrie de l’équipement médical va devenir une des plus grandes industries d’après-demain, une industrie aussi fondamentale que l’industrie automobile ou que celle des biens d’équipement ménager (L’avenir de la vie, p. 213). Il explique aussi que les gens voudront avoir chez eux, et pour les plus riches, des appareils innovants qui leur permettent de s’examiner tous les jours  pour se faire un bilan de santé. Il pourrait aussi y avoir des arches à la sortie ou l’entrée des métros ou sur le lieu du travail pour connaître l’état de santé simplement en passant en-dessous.

La thérapeutique du clonage pourrait permettre à un individu qui le souhaite d’avoir un petit peu d’un autre individu. La manipulation de l’ADN et des organes souches fait déjà l’objet de travaux très poussés depuis très longtemps et ce n’est pas un secret. Il faut s’attendre à une cartographie des risques de chacun pour établir auprès des assurances une personnalisation des frais de santé. Alors, dans ce scénario, qui seront les grands gagnants et les gros perdants ?

La gestion de la crise sanitaire que tout le monde critique serait-elle le calque de Jacques Attali, conseiller d’État, qui en parlant des maladies dit que Le système tente de durer en surveillant des coûts financiers. Mais cette volonté débouche sur la nécessité de surveiller les comportements et donc de définir des normes de santé, des activités auxquelles l’individu doit se soumettre. Ainsi apparaît la notion de profil de vie économique en dépenses de santé. (L’avenir de la vie, p. 269)

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Nous disons un peu plus haut que certains discours et conseils tenus par des hommes influents relèvent du danger sociétal,  Retrouvons, page 276, la question posée dont l’aspect naturel était déjà occulté par le progrès sur la conception de la vie. Voici la question, et la réponse de jacques Attali.

« Cette normalisation forcée, la voyez-vous régir tous les domaines de la vie, y compris la sexualité, puisque la science permet aujourd’hui la dissociation à peu près totale de la sexualité et de la conception ?

  • D’un point de vue économique, il y a deux raisons qui me permettent de penser qu’on ira très loin. La première concerne le fait que la production  des hommes n’est pas encore un marché comme les autres. En suivant la logique de mon raisonnement général, on ne voit pas pourquoi la procréation ne deviendrait pas  une production économique comme les autres. On peut imaginer des matrices de location qui sont déjà techniquement possibles (…), il sera alors possible d’acheter des enfants comme on achète des cacahuètes ou un poste de télévision.

Une deuxième raison liée à la première pourrait expliquer ce nouvel ordre. Si sur le plan économique l’enfant est une marchandise comme les autres, la société le considère également ainsi mais pour des raisons sociales (…). » 

Attali poursuit en évoquant la possibilité de vendre et d’acheter légalement des enfants et dit :  Ce que je dis là n’est pas de ma part une sorte de complaisance devant ce qui paraît l’inévitable. C’est un avertissement. Je crois que ce monde en préparation sera tellement affreux qu’il faut donc se préparer à y résister (…).

Nous ne pouvons pas mettre en doute la sincérité de l’homme mais il ouvre ici le champ du possible par sa vision futuriste en mettant la puce à l’oreille tout en sachant avec certitude que l’on tend vers cela.  C’est dangereux car personne ne pourra arrêter ça. Pour l’instant, le cinéma s’inspire parfaitement de ces idées ingénieuses gratuitement partagées ou tout paraît encore acceptable sans vraiment savoir s’il en sera ainsi dans la réalité à venir.

Nous venons ici de n’effleurer qu’un petit détail pertinent. Les mécanismes de notre futur aussi vastes soient-ils convergent toujours vers l’économie. Les avancées technologiques ne servent pas à distribuer gratuitement les biens et les services. Les années passent et nous en sommes  toujours au même stade. Nous comprenons pourquoi notre futur n’est pas si imprévisible que cela. Il ne l’est que pour celui qui ne daigne pas s’informer de ce qu’il se passe dans son environnement présent. Occupé par des artifices présentés comme importants, il n’analyse pas, il ne critique pas et comme pour un grand nombre, il se contente de reprendre les citations des autres comme si c’était parole d’évangile sous prétexte d’avoir des diplômes tout en oubliant qu’une certification est faite pour un intérêt et un but précis. Le boulanger fait du pain et défend son fourneau. L’économiste défend l’économie du pays sans rien produire. Les ressources sont alimentées par la production du boulanger et tous les autres qui ont signé un contrat de travail.

La maîtrise du futur est progressive, parfois par tâtonnement. Elle passe par des étapes, par des phases tenues en laisse par le temps qui englobe la vie. Malheureusement, si certains projets à petite échelle s’arrêtent net, ceux qui transforment l’avenir sont des macro-objectifs financés dont les porteurs changent et évoluent au gré de l’avancement.

Les civilisations anciennes et les croyances religieuses d’une certaine façon ont elles aussi levé le doute sur notre futur lointain en prédisant sa fin. Une fin qui serait le début d’une autre chose sans l’ombre d’un doute. Une fin prédite comme si notre présent actuel et son futur partiel seraient un échec mondial aux regards des dieux. Notre futur semble clair dans son ensemble. Nous ne savons pas qui le verra mais nous avons une fenêtre ouverte grâce à la gestion de notre présent sur une analyse globale de notre fonctionnement millénaire ainsi que sur les qualités humaines que nous soustrayons ou des défauts que nous maintenons pour fonctionner avec. Notre relation avec le pouvoir et sa forme de gestion actuelle est plutôt autoritaire que démocrate. Il tend à priver et soustraire sans apporter les substrats de bonheur durable à ceux sur lesquels il exerce sa domination arbitraire. Mis bout à bout nous avons les ingrédients pour concocter le futur mondial idéal pour une classe de personne. Celles qui auront le pouvoir d’achat.

L’équation du futur n’a pas d’inconnu. La vraie question est de savoir comment et dans quelles conditions elle sera résolue ?

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Rédacteur Georges Cocks

©Pluton-Magazine/2021/Paris 16eme

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Écrivain- Éditeur-Poète-Romancier

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