Par Dominique LANCASTRE
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D’une écriture incisive, parfois à la limite du burlesque, Rebecca Gisler nous raconte une histoire un peu particulière, celle d’un oncle. Le roman surprend par la façon de nous présenter ce personnage qui ne nous paraît ni sympathique ni antipathique. C’est l’histoire d’une famille que nous découvrons au fur et à mesure que nous avançons dans ce roman. Une famille avec ses défauts et ses qualités où tout le monde a une place, parfois très étrange.
Nous avons tous eu dans notre famille un oncle, une tante, un cousin ou une cousine qui nous a marqués. Nous avons tous le souvenir de ce qu’il ou elle faisait car il ou elle était assez étrange pour marquer notre enfance. C’est dans ce cercle familial que Rebecca Gisler nous entraîne avec sa façon particulière de raconter l’histoire. Chaque page est une révélation et à chaque page nous découvrons avec étonnement le portrait d’un personnage crasseux, insaisissable pour sa famille : l’oncle
Un personnage qui vit dans une insalubrité déconcertante dans une maison qu’il partage avec sa nièce, son neveu et leur mère. La mère qui, fatiguée de cet oncle crasseux, part en laissant la nièce et le neveu avec lui. L’oncle est un adulte comme piégé dans son adolescence. Il n’est pas retardé, il présente tous les traits d’un jeune adolescent par certains aspects. Et en même temps, il a tous les aspects d’un adulte sans éducation.
Petit à petit, nous pénétrons dans l’univers répugnant de ce personnage qu’est l’Oncle, qui nous inspire pitié et titille notre curiosité. Si, à la surface, ce personnage nous donne parfois l’envie de vomir, en profondeur le personnage ne manque pas d’attirer notre attention. On se rend compte tout de même que le neveu et la nièce aiment cet oncle. Ils se battent pour le changer mais il est difficile de changer un être humain à cet âge-là et qui a choisi de vivre dans de telle condition. Quand l’oncle est hospitalisé, ils s’inquiètent de savoir s’il va mourir. Mais ce séjour à hôpital ne changea rien à sa façon de vivre, il est tout simplement sale.
Rebecca Gisler ne donne pas de nom à ses personnages. Le récit reste très impersonnel. L’auteure a créé une ambiance particulière dans son roman et le lecteur y adhère ou n’y adhère pas. Elle ne fait pas que raconter une histoire, elle entraîne le lecteur au sein de cette maison où tout semble chaotique. Mais c’est dans ce chaos-là que les personnages se révèlent et que le talent de l’auteure pour un premier roman se révèle aussi. Un roman à découvrir.
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EXTRAIT-1
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[…] l’oncle a eu tous les âges et maintenant il a cinquante-deux an, et il y a peu, l’oncle a perdu une incisive dont il prétend qu’elle branla quelque temps avant de tomber d’un coup, et ma mère ne trouve pas ça normal que son frère perde ses incisives comme ça du jour au lendemain, et à mon avis, c’était surtout inesthétique, car ainsi l’oncle avait l’air d’un gueux, d’une sorte de clochard du Moyen-Age, mais l’oncle se fiche de l’esthétique comme de sa première o de sa dernière dent, tout ça, d’après lui, c’est une question d’habitude : aller au travail, peler des patates à longueur de journée, la plaque de fer dans la hanche, vivre seul, on s’y habitue[…]
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EXTRAIT-2
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[…] Le lendemain, mon frère et moi, nous avons décidé de profiter de l’absence de l’oncle pour ranger sa chambre et face à l’ampleur du chantier nous avons d’abord songé à tout jeter par la fenêtre, puis à tout rassembler dans le jardin puis à tout brûler dans un grand feu, mais nous nous sommes vite ravisés, conscients de ce que cela reviendrait à réduire la vie de l’oncle en cendres, et alors mon frère et moi nous sommes allés dans le magasin de bricolage juste à côté du supermarché, et nous avons acheté des gants et des masques et des combinaisons blanches qui ressemblaient à des combinaisons de liquidateurs de centrale nucléaire, et nous sommes retournés à la maison et nous avons appelé l’oncle à l’hôpital pour savoir comment s’était passée sa première nuit et aussi pour lui demander l’autorisation de ranger sa chambre, et l’oncle nous a raconté que les infirmières l’avaient vidé de son jus, huit litres en une nuit parait-il, et l’oncle était d’accord pour la chambre, à condition de ne rien jeter par la fenêtre.[…].
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L’AUTEURE
Rebecca Gisler est née en 1991 à Zurich. Diplômée de l’Institut littéraire suisse et du master de création littéraire de l’université Paris-8, elle écrit en français et en allemand. Elle est également traductrice.
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Par Dominique LANCASTRE (CEO Pluton-Magazine)
Pluton-Magazine/ 2021/ Paris 16.
