Entre les lignes (38) : Em de Kim Thúy .

Par Dominique LANCASTRE

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Dans Em, Kim Thuy nous brosse le portrait de plusieurs personnages. Plutôt que nous raconter la guerre du Vietnam en écrivant un roman historique avec des documents d’archives tout au long de l’œuvre, l’auteure a choisi un angle simple. Kim Thuy nous présente chaque personnage en une à deux pages. Sans doute pour permettre au lecteur d’absorber mieux les messages qu’elle veut faire passer à chaque fois. Nous découvrons au tout début Mai et Alexandre, puis Tam, la fille de Mai et d’Alexandre. Puis, alors qu’elle nous raconte le Vietnam tout en glissant les atrocités de la guerre, elle introduit des personnages comme Louis, Naomi, Emma-jade, etc. Il n’est pas question de vous raconter l’histoire de tous ces personnages mais ils ont tous un point commun, ils subissent toutes les horreurs de la guerre. Mais nous sommes de l’autre côté, nous apprenons de cette guerre à travers la vie de ces personnages.

Em est un roman très émouvant. L’écriture est limpide mais aussi incisive. Kim Thuy raconte les choses comme elles l’étaient à cette période. En suivant la vie de ces personnages, nous sommes au plus près des horreurs de cette guerre. 153 pages dans lesquelles l’auteure nous met face à la réalité sur le terrain que vivaient les gens pendant cette période. Et d’une certaine façon, l’auteure réussit son objectif car dès le début elle prévient le lecteur :

«  Je vais vous raconter la vérité, ou du moins des histoires vraies, mais seulement partiellement, incomplètement, à peu de chose près. »

L’auteure est vietnamienne, elle pose un regard différent de celui que pourrait poser un étranger sur la guerre du Vietnam. Mais, ce qui est frappant dans ce qu’elle raconte, c’est la façon dont elle nous relate cette histoire. Il ne s’agit pas de régler des comptes avec qui que ce soit mais de nous livrer des vérités et une réalité.  La guerre est horrible, quelle que soit la guerre. Les chapitres arrivent comme des bribes de souvenirs. Ce roman est comme un grand vase cassé dont on essaierait de recoller les morceaux car on y tient. Bien sûr, il y aurait des trous mais à la fin le vase reconstitué ferait retentir à l’intérieur les mauvais et les bons souvenirs. L’auteure raconte comment la haine façonne les gens et comment ils ont de leur côté amené l’irréparable.  Le titre de l’ouvrage, qu’elle explique au début du livre, est d’une importance cruciale

« Le mot em existe en premier lieu pour désigner le petit frère ou la petite sœur dans une famille ; ou le plus jeune, ou la plus jeune, de deux ami (e )s ; ou la femme dans un couple. J’aime croire que le mot em est un homonyme du verbe « aimer » en francais, à l’impératif : Aime. Aimons. Aimez »

“Aime. Aimons aimez » a son importance car c’est de cela dont il s’agit : le monde ne peut retrouver sa stabilité que par l’amour.

Il ne s’agit pas de raconter ce qu’est le roman Em car l’auteure elle-même s’est chargée de transmettre à sa façon cette histoire. Kim Thuy ajoute en fin de récit suffisamment de détails pour expliquer les dégâts causés par cette guerre mais l’amour n’est jamais loin surtout l’amour de son pays car l’auteure est une ancienne boat people. Em a été sans doute une épreuve pour l’auteure,  épreuve qu’elle partage avec nous lecteurs :  un roman à découvrir.

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L’Auteure

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Kim Thúy est née en 1968 à Saigon en pleine guerre du Vietnam. À l’âge de dix ans, elle fait partie des centaines de milliers de boat people fuyant le régime communiste. Installée à Montréal, elle exerce différents métiers – couturière, interprète, avocate ou encore restauratrice – avant de se consacrer à l’écriture. En 2010, Ru devient un best-seller en France et au Québec. Traduit dans plus de vingt pays, il obtient le Prix du Gouverneur général et le Grand Prix RTL-Lire. Avec Mãn (2013), Vi (2016) et Em (mars 2021), Kim Thúy poursuit l’exploration de son identité double, liant avec force et légèreté le passé et le présent, la mémoire et l’intime. Elle a reçu plusieurs prix, dont le Prix littéraire du Gouverneur général 2010, et a été l’une des quatre finalistes du Nobel alternatif en 2018. (Document Liana Levi)

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Par Dominique LANCASTRE (CEO Pluton-Magazine)

Pluton-Magazine/ 2021/ Paris16.

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