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Par Dominique LANCASTRE
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Récit, essai, roman autobiographique, quête métaphysique ; difficile de définir cet ouvrage très particulier de Patrick Autréaux. Frappé d’une maladie très grave dont il va se relever, une maladie qui a déjà frappé dans la famille, le narrateur dépeint sa grand-mère maternelle, décédée quand il avait cinq ans, et fait le lien avec sainte Thérèse de Lisieux dont il a lu les écrits. Dès lors, cette grand-mère qu’il adorait et dont on lui a annoncé le décès brutalement n’était-elle pas elle-même une sainte aussi ?
Patrick Autréaux aborde le sujet de la mort avec sérieux mais l’humour est assez présent dans cet ouvrage. L’ouvrage s’apparente, en ce qui me concerne plus à une forme de méditation autobiographique. Et cette méditation est très bien ressentie dans le déroulement de sa quête. On sent bien que l’auteur est non croyant mais respecte la religion qui a été présente dans sa famille et dont il connaît tous les rouages. Mais cette non-croyance s’apparente plus au doute, pas celui de Soren Kierkegaard, mais une forme de doute que le romancier a expérimentée. Il laisse le lecteur faire sa propre opinion tout en lui apportant des informations sur ce qu’il a vécu.
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[…] Pourquoi ne pas considérer les saints comme des êtres qui ne peuvent rien ? Et que leur héroïsme vient de là, de ne rien pouvoir mais d’écouter ces plaintes que personne ne veut accueillir. De nous accompagner ainsi. Nous avons autant besoin de témoins que de sauveurs.[…]
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Le narrateur nous fait part de plusieurs cas où les prières n’ont pas servi à grand-chose, surtout quand la maladie a frappé, mais n’ont pas non plus servi à grand-chose lors de la séparation de ses parents. Sans aucun doute la gravité de la maladie l’a poussé à se questionner sur sa propre existence mais aussi sur les raisons qui le poussent à écrire.
La Sainte de la famille est un ouvrage qui se lit avec le cœur sans chercher à rentrer dans les détails métaphysiques, sans se perdre dans les considérations philosophiques. Le lecteur suit l’itinéraire du narrateur. Il n’est pas nécessaire de connaître vraiment l’histoire de Thérèse de Lisieux pour comprendre les souffrances du narrateur.
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(…] Moi, quand mes parents commençaient à se bagarrer, quand le vin aidant les disputes éclataient chaque soir et que je me sentais échoué, incapable de retrouver une sorte de stabilité intérieure, quand j’avais si peur de me retrouver sans toit, sans famille, d’être coupé du monde par cette colère qui les absorbait et que je comprenais mal, j’allais à l’église, je trempais leurs alliances dans le bénitier, et puis dans l’eau miraculeuse. J’en avais trouvé dans le buffet vitré chez grand-père. Un flacon en plastique en forme de Sainte Vierge, à robe translucide blanche et couronne bleue. Elle y patientait dans l’ombre depuis des décennies. Ma grand-mère, qui n’avait pu aller à Lourdes, l’avait achetée à Lisieux. Son pouvoir avait dû s’éventer, comme l’eau de la bombe, autre eau lourde, elle avait dû perdre de son potentiel cosmique, puisque ça ne s’était pas arrangé entre mes parents. Mes rites bricolés n’avaient rien pu réparer non plus. Même lorsque j’avais baisé un médaillon en forme de rose, rapporté de Lisieux, puis était allé les embrasser sans leur dire ce que portaient mes lèvres, rien ne s’était passé. […]
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La Sainte de la famille est un ouvrage qui nous permet de nouer avec l’empathie, un ouvrage qui éveille certainement en nous une forme de spiritualité tout en gardant un détachement et qui nous renvoie à notre propre condition de vie de croyant ou de non-croyant.
Chaque lecteur doit faire son expérience de lecture. On pourrait se lancer dans de grandes explications philosophiques, il n’en reste pas moins que c’est un ouvrage très personnel dans lequel l’auteur cherche à trouver des réponses à sa condition de vie sans pour autant que ce livre soit un exutoire.
Le ton et l’écriture adoptés en sont la preuve car c’est un ouvrage très facile à lire mais très personnel. Dès lors, le lecteur ne peut se poser qu’en observateur et en celui qui écoute attentivement ce que l’auteur lui transmet, sans porter de jugement.
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La Sainte de la Famille. Patrick Autréaux. Éditions Verdier. ISBN 978-2-37856-158-1. Prix 18 euros.
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Auteur
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Patrick Autréaux est né en 1968. Il a exercé la psychiatrie d’urgence jusqu’en 2006. Auteur d’une dizaine d’ouvrages et de nombreux articles sur l’art et la littérature, il vit entre Paris et Cambridge, aux États-Unis. En résidence à l’université de Boston en 2018 et 2019, il y a créé son séminaire de littérature : « Through a writer’s eye ». (Source Éditions Verdier)
Lien auteur : https://www.patrickautreaux.fr/
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Dominique Lancastre. Pluton-Magazine abécédaire. Entre les lignes 2023.
