Sommes-nous prédestinés à mentir ?

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Par Georges COCKS

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Qui n’a jamais menti ? Il y a une catégorie de personnes en effet qui n’avait jamais menti jusqu’à ce que ces personnes reçoivent leur première fessée ou leur première punition. Nous avons tous fait partie de cette catégorie et certains ont été plus brillants que d’autres. Le mensonge est-il une bonne chose ? Pourquoi mentons-nous ?

Tricher, mentir, usurper… le registre peut être très long. Tout comme nous sommes capables du bon comme du mauvais, nous sommes tous capables aussi de mentir comme si cela était dans nos gènes. Pourtant il n’y a pas de marqueur génétique pour cela. Alors comment des milliards d’humains décident-ils un jour de mentir et pire, décident parfois de revêtir habilement ce costume ?

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Aux origines

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En Occident, on soutient l’idée que je Jardin d’Éden est le premier théâtre de cette supercherie. Seulement, si nous faisons attention, il se peut que nous ayons des comportements d’initiation au mensonge qui viennent des individus de notre propre espèce. Nous contaminons l’esprit candide de cette catégorie citée en introduction dès son plus jeune âge. Toutes nos histoires pour les endormir, les émerveiller, les contes ne sont que des mensonges et nous inculquons formellement aux enfants l’obligation de ne pas mentir. Le père Noël passe par la cheminée, la petite souris vient prendre la dent… Quels genres d’adultes sommes-nous vraiment ? Nous réprouvons sévèrement les petits impairs enfantins car nous avons sûrement conscience de nos gros boniments et de leurs terribles conséquences. Dès lors qu’il a contradiction, il y a une place certaine pour le doute puis le mensonge.

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Un phénomène de mode ?

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Mentir comme on respire, une maxime que l’on a sûrement tous et qui pourrait être le pilier de notre société. Le mensonge est partout. Dans la bouche des petits, des grands et des influents. La société est corrompue mais tout le monde exige de tous la vérité. La classe politique, les hommes d’affaires, les industriels… un peu de mensonge pour tenir le tissu économique, comme on dit il y a des demi-vérités mais une fable paradoxalement dit la vérité : qui vole un œuf vole un bœuf. Lorsqu’on commence il est pratiquement impossible de s’arrêter.

Le menteur ment souvent pour ses propres intérêts et pour se protéger. Il ment pour tromper. De son point de vue, mentir a plus de valeur que la vérité. La vérité le ruinerait à coup sûr.

Considérons les millions de livres édités chaque année. Les histoires que nous racontons sont pour la plupart le fruit de notre imagination. Ce ne sont pas des histoires vraies, sont-elles un mensonge ? Nous ne voulons pas qualifier cela comme tel mais dans les faits, honnêtement ce sont de bons divertissements qui nous font du bien n’est-ce pas ? Le mensonge comme source de distraction et d’évasion !

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Conséquences

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Le mensonge brise de nombreuses vies et change aussi la vie de nombreux charlatans. Tant qu’ils peuvent persister sans être confondus, l’empire du menteur est une fortification énorme mais précaire. Il suffit d’enlever la brique de vérité pour que tout s’écroule. À une certaine échelle toute une population voire le monde entier peuvent subir des dommages collatéraux. Il suffit de ne pas être d’accord ou de ne pas se ranger de son côté et le menteur peut vous faire passer pour un très gros menteur, un complotiste, pour se faire oublier. Nous sommes devenus experts en la matière. L’affaire Dreyfus, les armes de destruction en Irak, pour ne citer que celles-ci, combien d’innocents ont payé de leur vie et combien ont été condamnés. Être testé positif au dopage et c’en est fini de vous et de votre carrière. Vous devenez le pire menteur du monde, pourtant vous n’avez tué personne.

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Y à t-il de bons mensonges ?

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Qui y’a-t-il de mal à mentir pour protéger quelqu’un d’une injustice ? La loyauté peut donc nous pousser à mentir. Le désarroi, le drame, la vengeance, l’inégalité, le racisme, la peur… autant de situations comme des algorithmes qui  lancent des calculs rapides dans la pensée pour réagir rapidement. Parfois il peut s’agir de préméditation et parfois non. Pour répondre à la question du bon mensonge on pourrait se poser une autre question : aimerions-nous qu’on nous mente ?

Le mensonge semble nous avoir tous contaminés. Il est devenu un principe. N’ayant pas de compte à rendre à qui que ce soit, la vérité est défiée et pourtant nous avons tous tendance à dire que rien ne peut rester caché. Même le menteur pourrait le dire sans sourciller.  Nous avons associé le mensonge au mal, peut-on dire que le mal peut être bon ? Où se trouverait la fine limite entre les deux ?

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La notion de confiance

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Nous n’aimons pas les menteurs. Ils ne sont pas dignes de confiance disons-nous, mais nous nous aimons, et le menteur aussi s’aime. Certains métiers que nous exerçons nous soumettent à cet exercice par devoir de confidentialité. Le principe du bien et du mal est un patrimoine moral que possèdent tous les humains à leur insu. Nous pourrions avoir des tares physiques de toutes sortes mais tant que tout va bien dans nos facultés cognitives nous ne pouvons pas échapper à cela, pourquoi ?

Cette loi naturelle serait-elle de nature à nous protéger de nous-mêmes ? À rendre la vie un peu plus agréable ? Mentir n’est pas sans effet sur notre santé. Le menteur vit dans une boucle sans fin. Il doit être constamment sur ses gardes, contrôler en permanence ce qu’il dit. Il réfléchit tout le temps. À force, son sommeil peut en être troublé. La peur d’être démasqué lui inflige de vivre dans une crainte perpétuelle. Sa relation avec les autres en est perturbée. Il vit dans un stress perpétuel. Les moins forts, rongés par le remords, ont trop de honte pour avouer et parfois, ils préfèrent tout simplement s’ôter la vie, entraînant une nouvelle peine pour ceux qui restent. Un simple aveu, un simple pardon aurait peut-être tout arrangé.

Le problème avec notre société c’est qu’elle ne souhaite pas que tout le monde puisse partager les mêmes richesses et les mêmes avantages. Alors elle a bâti un monde d’escrocs pour piller les plus vulnérables, et les plus vulnérables trouvent encore plus vulnérables qu’eux à spolier. Il n’y aurait que les vendeurs de drogue qui n’ont pas besoin de mentir, tous savent déjà la conséquence de ce qu’ils fument ou s’injectent bien avant d’en consommer. Nous jouons nos contes de fées, nos fables et toutes nos histoires dans le monde réel. Nous ne voyons pas la différence entre le loup et notre grand-mère, nous nous laissons flatter par le renard pour perdre ce que nous avons de plus précieux car nous croyons vraiment que nous sommes au pays des merveilles parce qu’on nous éblouit avec des immondices qui finissent par dégrader notre merveilleuse planète. Nous avons toujours le choix entre mentir et être véridique. Le moment de vérité s’affronte toujours seul, inattendu, ou prémédité. Nous avons créé la brigade des mœurs mais qui peut se lever et se faire juge du mensonge ? Il est difficile de s’attaquer à ce qui est immatériel. Il est difficile de dire qu’untel sera un menteur. Mentir est une mode de penser qui peut devenir un mode de vie. Si nous soutenons l’idée qu’il est mal de mentir, alors ne mentons pas !

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Par Georges COCKS

Pluton-Magazine 2024

Photo Daniel Sampaio Pixaby.

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