A qui la faute ?

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Par Georges COCKS

Au top 10 des langues les plus difficiles à apprendre, le français ferme la marche, heureusement diront certains.

Près de trois quarts des Français trouvent que leur langue est compliquée et s’ils s’estiment bons en orthographe, ils butent sur quelques difficultés comme le pluriel des noms composés. Bon nombre doutent de l’orthographe de mots non utilisés couramment. Google devient la bouée de secours lorsque l’hésitation est vraiment trop importante.

73% des personnes interrogées considèrent le français comme une langue difficile, indique cette enquête de Mediaprism.  Pour 36 % d’entre eux, c’est surtout la conjugaison et la grammaire (37 %) qui posent problème.

Mais si trois Français sur quatre se disent bons en orthographe, près d’un Français sur deux (47 %) avoue commettre tout le temps les mêmes fautes. Et quand il s’agit d’écrire au pluriel les noms composés, ils sont 63 % à rencontrer des difficultés. Pourtant, plus de la moitié ne supportent pas les fautes publiées dans les médias et sont indulgents à la vue du mauvais emploi des auxiliaires être ou avoir devant le participe passé. Pour Bénédicte Gaillard, « le plus compliqué, c’est l’accord du participe passé des verbes pronominaux ». Mais, assure-t-elle, « un peu de réflexion et ça devient une habitude ».
Et puis, dans la conversation de tous les jours (voire dans 80 % de nos lectures), on n’emploie presque jamais tous les temps de la conjugaison.
La langue française devient un frein au voyage pour certains. Car au-delà des anciennes colonies françaises où la langue est en concurrence avec un dialecte local, il faut admettre qu’il est difficile de régler des formalités stressantes de douane, des réservations… dans des pays étrangers.

Les nouvelles technologies favorisent les fautes d’orthographe.

L’arrivée en fanfare du Short Message Service, il y a de cela une dizaine d’année, a encouragé le phénomène. Ces messages limités en nombre de caractères poussèrent les utilisateurs à favoriser la phonétique au détriment de l’écrit traditionnel pour gagner de la place.

C insi ke la drive komansa. Ki poura kc tt sa (c’est ainsi que la dérive commença. Qui pourra casser tout ça ?)

Le responsable

 

Ils sont 86% à s’accorder sur le fait que les nouvelles technologies favorisent les fautes d’orthographe, et 4 Français sur 10 s’agacent quand ils reçoivent un mail ou un courrier avec des fautes. Face à ce constat alarmant, les fabricants ont équipé leurs appareils de façon à proposer le mot juste, la bonne conjugaison, la règle de grammaire idoine … mais il vous appartiendra toujours de choisir la bonne intuition. Même ainsi, la faute n’est pas évitable.
Le courrier classique et le mail restent à usage administratif. Ces derniers récalcitrants perdent du terrain dans l’usage privé au profit des serveurs vocaux instantanés. On a perdu le goût de l’écriture et certains ont de facto perdu aussi le goût de lire. Le CV et la lettre de motivation ont passé avec succès le cap de la digitalisation qui apporte ses avantages et ses inconvénients. La génération future a du souci à se faire, même avec l’aide du correcteur du traitement de texte.


Réformons tout ça !

 

La rentrée scolaire 2016 apportera son lot de nouvelles fautes.

La disparition partielle de l’accent circonflexe sur le «i» et le «u», simplification de la graphie de quelque 2400 mots, suite à une réforme de l’orthographe décidée en 1990, fera son apparition dans les manuels scolaires à l’occasion de la rentrée 2016-2017.

Les nouveaux livres d’orthographe et de grammaire porteront un macaron distinctif affichant la mention « Nouvelle orthographe ».

Sauf que si le « ph » disparaît, on peut se demander pourquoi le « ph » du mot orthographe ne disparaîtrait-il pas  à son tour ? Mystère et boule de gomme, voilà la première anomalie qu’il faudra régler.

« Coût » deviendra « cout », « paraître » « paraitre »… En revanche, l’accent est conservé pour les mots où il indique une nuance importante. Le participe passé de devoir restera « dû ». De même, l’adjectif « mûr » restera inchangé pour ne pas le confondre avec « mur ».

« Oignon » et « nénuphar » perdent quelques lettres et s’écrivent « ognon » et « nénufar ». On pourra désormais écrire « picnic », supprimer le trait d’union des mots composés avec « contre », « entre », « extra ». Oubliez les « extra-terrestres » ou un « porte-monnaie », bienvenue aux « extraterrestres » et aux « portemonnaie ». « Événement » pourra désormais s’écrire avec un accent grave sur son deuxième «e», « réglementaire » change aussi d’accent.

Ah là là là ! les fautes se ramasseront à la pelle, le temps d’emmagasiner tout cela !

 

Pour Bernard Pivot, « les professeurs risquent d’être perturbés par la réforme de l’orthographe»

Le destin de l’orthographe rectifiée est aussi sinueux que les règles d’accord du participé passé. L’idée naît, comme nous l’avons dit, à la fin des années 80 : la langue française perd du terrain à l’étranger. Sa complexité est pointée du doigt. Plusieurs linguistes réclament une réforme et, en 1989, le Premier ministre Michel Rocard met sur pied le Conseil supérieur de la langue française composé de ressortissants français, québécois, belges, suisses et marocains. Un an plus tard, le CSLF, liquidé en 2006, rend ses conclusions qui reçoivent un avis favorable de l’Académie française et de ses homologues québécois et belges. Le Journal officiel publie les modifications dans sa partie administrative… qui n’a aucune valeur contraignante. Ce que rappellera l’Académie française face à la levée de boucliers suscitée par la réforme, qui sera enterrée.

Depuis 1990, les deux orthographes – la traditionnelle et la rectifiée – sont tolérées dans les copies d’examen. Mais la réforme, qui ne marche pas si mal chez nos voisins suisses et belges, n’est mentionnée dans les textes officiels de l’Éducation nationale qu’en 2008. Les professeurs ne sont toujours pas tenus de l’enseigner à leurs élèves, puisqu’il s’agit d’une orthographe tolérée et non obligatoire.

Pluton Magazine interroge pour vous Colette Fournier, rédactrice, correctrice, écrivain… qui dans l’ombre de sa plume, rend nos coquilles invisibles à l’œil nu.

PM : Vous baignez souvent dans nos fautes, généralement lesquelles sont les plus fréquentes ?

Une faute récurrente concerne l’usage du participe présent, lequel doit toujours se rapporter au sujet contenu dans  la proposition qui le suit. Autre faute très présente, l’accord du verbe avec un sujet inversé ou avec des sujets multiples. L’emploi des majuscules est aussi un problème, beaucoup en usent et en abusent, ainsi que des signes de ponctuation. Notamment, le point d’exclamation qui suffit en un seul exemplaire.  Enfin, certaines règles d’usage sont oubliées : par exemple, l’accord du participe passé lorsqu’il est précédé de « en » est généralement invariable, « des livres, j’en ai lu beaucoup ». Mais ce qui ressort davantage des erreurs que je rectifie, est la méconnaissance du  genre et du rôle des mots à l’intérieur d’une phrase. Or, l’écriture  est une partition  qui répond à des règles d’harmonie précises. Les connaître est un premier pas nécessaire pour avoir plus d’aisance dans l’écriture.

PM : Avant, les clients de l’écrivain public étaient principalement composés d’illettrés est-ce toujours le cas ?

Non, bien sûr. Aujourd’hui, le public est très large et inclut aussi bien des entreprises que des particuliers, des étudiants soucieux de peaufiner leurs travaux, des sites web, des apprentis auteurs, etc.

PM : Ou en est-on aujourd’hui avec l’analphabétisme, bientôt une faute, et l’illettrisme ?

Je vous avoue n’en savoir rien d’autre que les données officielles qui sont publiées, sans que nous en connaissions exactement les critères, d’ailleurs. Selon une étude mentionnée dans Le Monde en 2014, l’Insee estimait que 2,5 millions de français étaient illettrés. La répartition géographique de ces personnes montrait une large disparité suivant les régions et les catégories sociales. Mais ce sujet reste tabou dans notre pays, on l’a vu avec l’affaire Macron et les employés d’un abattoir breton, je crois. Or, comment remédier à une situation que l’on ne veut pas nommer ?

PM : Il y a un nombre croissant de services de secrétariat de correction… sur le web,  est-ce la peur de la faute ?

On a promu, à tort selon moi, l’image d’une société au sein de laquelle l’image aurait définitivement vaincu le verbe, notamment avec l’essor du Web. Mais la réalité est différente : pratiquement aucun support ne se passe de l’écriture et ce qui est publié  est diffusé de manière exponentielle.  La moindre faute reste incrémentée et vous montre du doigt, en quelque sorte ! De plus en plus de personnes en prennent conscience, d’autant que le langage reste un marqueur social incontournable, qu’on le veuille ou non.

PM : On dit qu’avec un peu d’attention et une bonne connaissance des règles on peut y arriver tout seul, est-ce vrai ?

Une des grandes qualités de l’homme est sa capacité d’apprentissage, laquelle, on le sait aujourd’hui, est présente tout au long de sa vie ; je crois fermement que la motivation et le travail sont au cœur du problème, d’autant que nous disposons aujourd’hui d’un panel d’outils (livres, méthodes, sites spécialisés gratuits, dictionnaires en ligne) sans pareils !

PM : Peut-on dire que votre métier est dans une phase de mutation positive ? Si oui ne faut-il pas s’en inquiéter ?

Honnêtement, je n’en sais rien. Ce métier est peu valorisé et assez méconnu et je ne possède pas les données  qui me permettraient de vous répondre. Toutefois, j’ai tendance à voir le côté positif du phénomène : si davantage de personnes font appel aux services d’un correcteur, cela veut dire aussi qu’elles ont à cœur de préserver un patrimoine, leur langue natale, et qu’elles sont soucieuses d’améliorer leurs écrits.

PM : Quelles études conduisent à ce poste ?

Des formations professionnelles sont ouvertes au CFPJ (Centre de formation et de perfectionnement des journalistes), auprès duquel j’ai suivi moi-même deux stages d’écriture, et par l’Asfored (Centre de formation du syndicat national de l’édition), entre autres. Mais il existe d’autres passerelles d’accès comme les licences de lettres moderne, les écoles supérieures de communication, etc. Toutefois, je suis un mauvais exemple sur ce point ! Je suis venue à ce métier par un tout autre biais, en ayant d’abord occupé un poste de rédactrice administrative dans une grande société puis fait de la formation professionnelle. Mais ma passion pour  la langue française et ma propre activité d’écrivain, couplées à un travail constant, suppléent, du moins je l’espère,  aux diplômes que je n’ai pas.

PM : Le secret professionnel est de rigueur avec votre activité ?

Tout à fait. Je ne communique jamais la nature des travaux qui me sont confiés ni l’identité de leurs auteurs. Cette règle de confidentialité figure en bonne place dans mes conditions d’exercice. C’est une règle de base qui s’adosse aussi à la notion élémentaire du respect  que l’on doit à autrui.

PM : Y a-t-il des choses que vous aimez particulièrement corriger ?

Si vous me permettez cette digression, je tiens avant tout à signaler deux choses fondamentales à mes yeux. C’est d’abord l’humilité dont il faut faire preuve dans ce métier. Le correcteur n’est pas une machine, il reste faillible et ne saurait prétendre à la perfection, d’autant que l’écriture n’est pas une science exacte mais une matière vivante et malléable.

Ensuite, le correcteur n’est pas l’ennemi de l’auteur, il fonde avec lui un partenariat qui ne peut se passer de dialogue et il reste à sa place, qui est de servir les intérêts de l’auteur et de la publication, et non d’imposer sa loi.

Mon métier est d’abord une formidable mine de rencontres avec des  personnes et des univers très variés. J’aime être étonnée, découvrir des horizons insoupçonnés, m’enrichir de savoirs différents. Avec une petite préférence, néanmoins, pour l’écriture littéraire, qui est ma première vocation : on ne se refait pas !

Chaque année, les perles du bac, toujours aussi drôles, insolites, inquiétantes sont légion ;  les élèves seront encore les premiers cobayes de cette grande réforme. Que nous réserveront-ils ? Que cachent ces lacunes ?

Il serait temps de lire entre les fautes et les lignes pour comprendre la complexité de la langue. En attendant, les ognons nous feront toujours pleurer et certaines fotes (d’après la règle) aussi, oups !

Colette Fournier

Colette Fournier 2016 (1)

Mon portrait s’illustre par un mot majeur : passion ! La passion de la vie, d’abord, et de ce qui la sert au mieux dans sa diversité et sa créativité : la langue et la photographie.

En mariant l’écriture poétique et romanesque et la correction, je navigue dans des eaux qui me plaisent bien. Depuis 2010, j’ai choisi de vivre pleinement de l’écriture en me spécialisant dans la rédaction et la correction ; je travaille pour le compte de différents sites et partenaires et beaucoup avec les étudiants, mémorialistes, thésards et parfois, doctorants.  En parallèle, j’ai publié des recueils de nouvelles et de poésie et alimente aussi un site où je présente poèmes, billets d’humeur et chroniques. Je propose également mes photographies dans une galerie en ligne.

Vous savez, être correcteur, c’est pénétrer le plus intime d’une personne, y compris lorsque cela s’opère par le truchement de ses écrits professionnels. Les éléments techniques, la rigueur  et la maîtrise langagière n’y suffisent pas : l’écoute, la souplesse et la modestie sont l‘épine dorsale du correcteur ! Et le travail constant, sans lequel rien ne progresse.

https://colettefournier.com/

et

http://colettefournier.piwigo.com/

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Georges Cocks (rédacteur et correspondant permanent Guadeloupe)

Pluton-Magazine/Paris 16eme

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