En 1515, six mois avant la célèbre bataille de Marignan, François d’Angoulême devient roi de France. Pourtant, ses élans de jeunesse et son insatiable appétit pour le beau sexe faillirent lui coûter le trône. C’était sans compter avec sa mère, Louise de Savoie, la Louve, qui s’abîma en prières, sa vie durant, pour que son fils accède à la couronne et que sa destinée flamboie enfin.
Dans un écrin nu de tout décor, en faisant refléter la lumière des torchères et des enjeux du pouvoir par un large miroir en fond de scène, Daniel Colas (auteur prolifique : on se rappelle, entre autres, de son Henri IV, le bien-aimé, « molièrisé », et du récent nominé, Un certain Spencer Charles Chaplin, nous livre ici un texte d’une grande maestria. La puissance et la justesse de son écriture résonnent comme un Te Deum sacral.
Tout en adaptant le langage du 16° siècle, ses dialogues sont vifs, ciselés, clairs à entendre même pour l’oreille non initiée à ce style de langue. L’on sent d’ailleurs que les comédiens ont tout confort avec ce phrasé qui pourrait être alourdi par celui qui ne maîtriserait pas l’écriture vivante. Ici, le texte est puissant, mais aussi allégé de ce qu’il faut de comédie. Il prend sa place en dominateur puis s’efface pour servir le propos et les interprètes.
À leur tour, ceux-là servent brillamment l’auteur. Les sept comédiens, excellents dans leurs rôles : Béatrice Agenin campe, avec talent, une femme à la fois impitoyable et une mère fragilisée par son instinct maternel qu’elle érige en priorité absolue. Une louve dans toute son animalité. Gaël Giraudeau, tout en fougue, réussit pleinement à faire apparaître le grand homme que François 1er n’est pas tout à fait, encore drapé de l’impétuosité de la jeunesse.
Maud Baeker, en Reine Claude, fille d’Anne de Bretagne, interprète une jeune fille courbée sous le faix de la disgrâce physique, avec une très grande subtilité de jeu. Une actrice touchante ! Quant à Patrick Raynal en roi crépusculaire, c’est du grand art que sa prestation ! Il n’a pas à rougir une seconde d’une comparaison avec un Michel Bouquet dans le récent « Le Roi se meurt »… Enfin, Yvan Garouel, le bègue, Adrien Melin, Suffolk, Coralie Audret, la Reine Marie, tous sont parfaits dans leurs rôles respectifs.
Et pour finir, tenant un rôle somptueux : les costumes ! Encore une grande réussite de Jean-Daniel Vuillermoz.
À voir ABSOLUMENT !
La Louve
De et par Daniel Colas
jusqu’au 6 novembre 2016.
Théâtre La Bruyère
5, Rue La Bruyère
75009 Paris
Crédit photos: Lot
Quel panache !
Et voilà qu’en cette rentrée 2016, le petit surdoué du théâtre français frappe un grand coup en proposant sa nouvelle pépite : Edmond !
Nous sommes en 1895. Edmond Rostand n’est encore qu’un illustre inconnu. Sa dernière pièce au Théâtre de la Renaissance est un four. Même la grande Sarah Bernard, qui lui a fait confiance, n’a pu en endiguer l’insuccès. Et pour cause : Edmond Rostand ne fait pas de comédie moderne et veut écrire en alexandrins, contrairement aux deux Georges (Faydeau et Courteline) qui triomphent avec leurs vaudevilles respectifs. Mais une rencontre va peut-être changer son destin. Le grand comédien Constant Coquelin décide de monter dans l’urgence son nouveau chef-d’œuvre. Problème : la pièce n’est pas encore écrite ! C’est en puisant dans sa propre vie que l’immense dramaturge rencontrera l’inspiration pour donner vie au prodigieux Cyrano de Bergerac !
Alexis Michalik, auteur des couronnés « Le Porteur d’Histoire et Le cercle des illusionnistes », parvient à écrire et mettre en scène ce troisième opus sans la moindre fausse note. Mêlant adroitement les cercles structurels de la dramaturgie, en faisant parfaitement coexister la vie d’Edmond Rostand, la genèse d’une histoire prenant vie entre les mains de l’auteur de génie aidé par la force des personnages secondaires, il joue habilement avec le bagage mémoriel collectif « Bergeracien » des spectateurs de la salle. Le résultat est magistral et l’équation émotion/humour, idéalement résolue.
En ce qui concerne la mise en scène, le travail est aussi parfaitement accompli. La cinématographie est très présente dans les changements de décors incessants, le choix des lieux et la manière de les représenter. Saluons d’ailleurs, le travail de Titan des comédiens sur la métronomie des déplacements. Présumons qu’il leur aura fallu s’acharner quelque peu pour que la fluidité des mouvements opère…
Oui, le chapeau est tiré bien bas, car s’ajoutant à la qualité technique considérable du plateau, les performances scéniques des uns et des autres font également la réussite de la pièce. Guillaume Sentou est d’une justesse incroyable. Il est impossible de déceler l’acteur derrière le personnage tant il incarne parfaitement Edmond Rostand. Jean-Michel Martial en bistrotier érudit est également remarquable, comme la totalité des douze comédiens présents sur la scène du Théâtre du Palais Royal.
Alexis Michalik orchestre en grand chef cette œuvre foisonnante et délicieuse. L’homme a du nez !
Edmond
De et par Alexis Michalik
Jusqu’au 8 janvier 2017
Théâtre du Palais Royal
38, Rue de Montpensier
75001 Paris
Amours teintés
Voici l’histoire d’un jeune couple. Chloé est artiste peintre, Nicolas est neurologue. Comme pour tant d’autres, leur histoire est belle, leur quotidien fait de mille adorables petits accrocs renforçant le bonheur d’être ensemble. Malgré cet amour, Chloé trompe son homme depuis peu. Fatalement, Nicolas le découvre et congédie l’imprudente.
Mais un accident de voiture impliquant la jeune artiste se produit. En résulte une totale amnésie chez Chloé. Est-ce l’occasion pour Nicolas de reconstruire la mémoire de leur amour ?
La comédie romantique est ici plutôt réussie, car l’auteur Nicolas Taffin est parvenu – avec justesse – à ne pas instiller trop de comédie dans ce périlleux exercice. Ici, le drame procure aux interprètes la béquille nécessaire pour ne pas se laisser trop aller à la facilité dans l’interprétation. C’est d’ailleurs ce qui fait que l’on s’accroche à cette histoire : les comédiens prennent leurs personnages avec sérieux et délivrent une jolie performance.
Même si la mise en scène d’Élodie Wallace, avec ses couleurs de comédie triviale, est un peu trop voyante par ses automatismes et dessert la partition, Nicolas Taffin et Mathilde Moulinat arrivent à se sortir de ce mauvais pas et sauvent la pièce par leur jeu sincère. La jolie création musicale de Diane Poitrenaud apporte également tension et émotion au récit.
Une sympathique « dramédie romantique» à expérimenter dans un théâtre aux récents changements de direction et de programmation, qu’il faudra dorénavant regarder de plus près…
Pigments
De Nicolas Taffin
Mise en scène de Elodie Wallace
jusqu’au 8 janvier 2017
Théâtre de la Contrescarpe
75005 Paris
Sonate
Vienne, décembre 1791. Le grand Mozart vient de mourir. Ne restent à Constance, sa veuve, que la rutilance de son illustre nom et une épargne évidée par le faste de la vie de cour de son époux. Wolfgang Amadeus vient d’entrer dans l’histoire. Oui mais à présent, de quoi seront faits les lendemains pour sa femme et ses enfants ?
Elle se doit trouver la bonne personne capable de terminer le fameux Requiem payé d’avance. Franz-Xaver Süssmayr, élève, copiste, parfois souffre-douleur, pourra-t-il remplacer le maître ?
Pourra-t-il jouer sa partition amoureuse auprès de Constance ?
C’est lors d’un festival où le Requiem de Mozart était donné, que l’auteur eut l’idée de travailler sur ce somptueux sujet. Le concert était suivi d’une conférence. Il y fut question de Constance Mozart, et de ce qu’elle dut faire, à la mort de son mari, pour ne pas se retrouver dans la misère.
Et Alain Teulié a rudement bien fait de s’attaquer à ce destin. Avec Le dernier baiser de Mozart, il signe un texte d’une précision et d’une finesse sculpturales. Il fait le pari du long dialogue ininterrompu lors d’une seule soirée entre deux personnages. Et c’est une totale réussite ! Tout y est rythmé, tendu, intelligent.
La mise en scène de Raphaëlle Cambray est très élégante. Elle laisse la part belle aux mots et à leurs interprètes en les soutenant avec délicatesse, telle une main douce et ferme cueillant une fleur fragile.
Les deux comédiens jouant la veuve et l’orphelin brillent à chaque instant. Delphine Depardieu incarne parfaitement Constance Mozart et les préoccupations de sa condition. Quant à Guillaume Marquet qui interprète Franz-Xaver Süssmayr, disciple de Mozart, sa prestation d’amoureux de l’ombre est sublime.
Enfin, les décors de Catherine Bluwal, les costumes de Virginie Houdinière, la lumière de Marie-Hélène Pinon et la musique de Jean-Marc Istria, contribuent à faire de la scène du Théâtre du Petit Montparnasse, un magnifique écrin pour recevoir ce dernier baiser de Mozart.
Le Dernier baiser de Mozart
De Alain Teulié
Mis en scène de Raphaëlle Cambray
Jusqu’au 30 octobre 2016
Théâtre du Petit Montparnasse
31, Rue de la Gaîté,
75014 Paris
TROP ENVIE DE VOIR CES MERVEILLES… QUELLE VIE PARISIENNE !!