Nous avons un devoir de mémoire, encore faut-il connaître nos héros. L’histoire de La Caraïbe est orale, elle demande, elle exige, de prendre le temps de trouver ceux qui peuvent témoigner, et de retranscrire ces traces.
(Françoise Lancréot)
Elle s’initie à la flûte Bansuri de l’Inde et au Chakuhatchi du Japon. Férue de culture et d’éducation, elle a dirigé le Chantier musical international regroupant 200 jeunes musiciens du monde entier autour de 5 grands chefs d’orchestre pour la création d’un hymne à la paix. Maître d’œuvre du Festival culturel de la Caraïbe, manifestation décentralisée et pluridisciplinaire et de l’école de musique Philippe Gros, elle a aussi parcouru la Caraïbe afin d’y mener des recherches en ethnomusicologie.
Elle est compositeur de la musique originale de la pièce de théâtre d’Aimé Césaire, La tragédie du Roi Christophe, montée à la Comédie française, l’auteur d’une thèse sur Les musiques populaires de la Guadeloupe et d’articles sur le quadrille, les musiques créoles et les pratiques musicales de la Caraïbe.
Paulinius l’insoumis, son premier roman, émanation d’une chanson recueillie au cours de son travail de chercheur, lui donne l’occasion de nous plonger au cœur d’un univers magique, bercé par des rythmes et des traditions authentiques.
Je m’y suis plongée et j’y ai trouvé des pépites auxquelles je me suis référée durant de nombreuses années. Il m’a ensuite mise en relation avec Claude Philogène, qui, lui, sillonnait déjà le terrain. C’est ce dernier qui m’a raconté cette histoire, après m’avoir chanté « Barré, barré, barré Popo Torrent ».
Tout est donc parti d’un bel air qui m’a longtemps trotté dans la tête. Je me suis demandé qui était véritablement ce personnage auquel était consacrée cette chanson. Ce récit me semblait si magique, que je me devais de le faire connaître. Chaque fois que j’en avais l’occasion, je battais la campagne de la Guadeloupe, sur la Côte sous le vent, tout en poursuivant mon travail d’ethnomusicologue.
Quelques photos de Vieux-Habitants ( en haut) La Vallée
(en bas) Habitation Getz , Habitation Grivelière
J’interrogeais des vieillards, je recoupais les informations, faisais des repérages sur les hauts de Vieux-habitants. Il fallait prendre le temps. Dans un premier lieu, je désirais écrire cette histoire à partir de documents recueillis sur place. J’ai parcouru les archives départementales. J’y ai trouvé des articles de journaux : le Citoyen du 9 juillet 1918 et le Nouvelliste du 26 janvier 1918 (que l’on peut consulter sur mon site internet). Des incendies avaient provoqué la perte de certaines pièces et je n’ai pu aller plus loin.
À la mairie de Baillif, j’ai déniché le certificat de décès de Paulinius. J’ai eu beaucoup de mal à récupérer tous les éléments dont j’avais besoin, en dépit de mes nombreux déplacements, notamment aux archives nationales d’outre-mer d’Aix en Provence, dans l’espoir de mettre la main sur les minutes du procès de Paulinius ou à celles de l’armée au Château de Vincennes.
Heureusement, j’ai pu retrouver à la BNF, un morceau de choix, le journal officiel de la Guadeloupe du 7 février 1918 qui témoignait de la satisfaction des autorités vis-à-vis des deux gendarmes ayant arrêté – stipulaient-ils, mais en réalité, tué – Paulinius. Au fil de ma quête, j’ai fait évoluer mon projet initial.
Puisqu’il me manquait des éléments pour un ouvrage documentaire, je me tournai vers le roman, car les hommes ont besoin de récits pour se construire et expliquer le monde, ce sont autant de miroirs pour se regarder soi-même afin d’évoluer.
J’ai réinvesti cette affaire avec un regard neuf, celui d’un écrivain qui s’appuie sur les traditions de ce pays. Par ailleurs, il me semblait essentiel de mettre à l’honneur ce célèbre inconnu. Quelqu’un d’ordinaire, qui est devenu un symbole pour un peuple et s’est découvert des capacités de résistance et de résilience qu’il ne soupçonnait pas. C’était l’occasion d’explorer avec humanisme la société antillaise au début du siècle et d’éclairer d’un nouveau jour la complexité des comportements, les relations entre les communautés, le rôle des femmes et celui de la culture.
Nous avons un devoir de mémoire, encore faut-il connaître nos héros. L’histoire de La Caraïbe est orale, elle demande, elle exige, de prendre le temps de trouver ceux qui peuvent témoigner, et de retranscrire ces traces.
Par sa soif de liberté, son insoumission au pouvoir en place, ses actions et leur caractère exemplaire, Paulinius se distingue comme un héros universel qui parle à chacun d’entre nous. »
Propos recueillis par Dominique Lancastre
Secrétariat de rédaction Colette Fournier
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Paulinius l’Insoumis est publié aux Editions Sépia. www.editions-sepia.com
ISBN :979-10-334-0102-5 / Prix : 14 Euros / 172 pages / Date de parution 27 juillet 2016