Fallait-il un Moïse pour sauver Haïti ?

 

12193646_422714154586486_1253509034728009166_n-1Haïti a enfin un président élu. La désignation de Jovenel Moïse, agriculteur, novice en politique, mais bénéficiant d’importants soutiens financiers, clôt une très longue crise électorale, commencée en octobre 2015. Un président PDG à la carrière opaque qui marque un retour en arrière pour les Haïtiens, avec une poursuite des mesures ultralibérales engagées par son prédécesseur et parrain, Michel Martelly.

Après les passages du président prêtre, du président dictateur, du président musicien, qu’apportera celui-là ? « Mon élection est la preuve de la maturité politique du peuple haïtien et de son aspiration à un mieux-être », n’a-t-il pas hésité à dire le jour de son investiture .En réalité, Jovenel Moïse est un homme d’affaires surtout connu pour être le PDG d’Agritrans, une entreprise de production et d’exportation de bananes biologiques, à destination principalement de l’Allemagne, et première zone franche agricole du pays. C’est un méga projet de 987 hectares, pour lequel Moïse a obtenu 6 millions de dollars du gouvernement Martelly. Ce dernier avait déjà pour objectif de créer plusieurs zones franches, projet que Jovenel Moïse a repris dans son programme. Comme l’ancien président, le jeune homme d’affaires a construit sa campagne sur son image d’outsider. Agritrans est néanmoins un projet vitrine très opaque qui rappelle l’opacité de la carrière de Moïse. D’après une récente enquête, il posséderait 14 comptes bancaires et ferait l’objet de soupçons de blanchiment d’argent.  Moïse entre en fonction avec au-dessus de sa tête un nuage légal qui pourrait paralyser sa présidence et déstabiliser encore plus Haïti. Il est la cible d’une enquête menée par l’Unité de lutte contre les crimes financiers du gouvernement.

Un système « San Man Man »

 

 Il est très probablement l’homme de paille derrière lequel se cachent l’élite économique locale et Michel Martelly. Il représente le système «  San Man Man », c’est-à-dire sans aucune morale, porteur de toutes les crises larvées,  qui ne cesse d’avilir le pays. Il faut regarder le bilan de Martelly pour comprendre : on a observé un recul des droits des femmes ; la société civile a dénoncé l’aggravation des menaces et des violences à leur encontre ; l’ex-président fait l’objet de soupçons de corruption à grande échelle. Jovenel Moïse va poursuivre cette politique ultralibérale. Il a une image moins « showbiz » que son mentor, un chanteur au verbe ordurier, à l’attitude grotesque, dépourvu de tout ce qui est académique et du sens de la république, .mais les sources de financement de sa campagne sont opaques. On ne sait pas qui se trouve derrière lui.

Le clivage est très grand, qui persiste entre les élites politiques déconnectées et la population confrontée à une urgence quasiment quotidienne, dans un pays où rien n’arrête la misère ou plutôt, où la misère s’est arrêtée.

Une semaine après son investiture, le président Jovenel Moïse n’a toujours pas désigné son Premier ministre. Les consultations avec les présidents des deux chambres sont dans les limbes. Inquiétant pour l’avenir. Les intérêts parlementaires ne devraient pas enfreindre les prérogatives de l’exécutif. Il est temps que les mœurs corruptibles des politiciens haïtiens changent pour faciliter le bien-être du collectif.

Jean-Jacques Seymour

Secrétariat rédaction Colette Fournier

Pluton-Magazine/2017

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