Les mots parleurs de Valérie Delbore

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Passer de la comédie à la formation est un défi que Valérie Delbore, fondatrice de l’association Les mots parleursrelève avec passion entre Bourgogne et Paris.

Formée au Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique de 1978 à 1981, Valérie a été comédienne pendant 25 ans et a enseigné le théâtre (École du Théâtre en Actes, École de Théâtre Parenthèses dirigées par Lucien Marchal, l’école Claude Mathieu). En 1997, elle passe de l’autre côté du miroir et décide de former à la lecture à voix haute des publics divers réunissant adultes et enfants, amateurs et professionnels. L’objectif ? Développer la Lecture à voix haute en expression artistique à part entière.

De 2000 à 2008, elle travaille en résidence au Cinéma des Cinéastes, subventionné par la Mairie de Paris et la DRAC Île de France. Un partenariat se noue ensuite entre 2009 et 2014 avec l’Hôtel Lutétia pour un cycle de lectures, « les Samedis Littéraires de l’Hôtel Lutétia », et avec  L’Odéon-Théâtre de L’Europe. Un nouveau cycle de lectures est conduit ensuite avec L’onde-Théâtre et le Centre d’art. L’association participe activement au cycle Nota Bene du Théâtre de Beauvaisis.

Depuis septembre 2014, l’association fonctionne en partenariat avec l’Hôtel Pont Royal pour le cycle de lectures, “Les lectures de l’Hôtel Pont Royal, et avec la librairie Editions Tituli pour un cycle de lectures intitulé “Autres Voix chez Tituli”. De 2003 à 2015, dans le cadre de nouveaux partenariats conclus avec le Théâtre de l’Odéon et le Théâtre de Beauvaisis et l’Onde-Théâtre et Centre d’art, l’association intervient en formation dans les collèges et lycées de Paris et de la région parisienne.

Côté comédie, Valérie a travaillé avec de nombreux artistes, au rang desquels on peut citer, Saskia Cohen-Tanuggi, Guy Rétoré, Jacques Bachelier, Jacques Lassalle, Alain Barsacq , Mathilde Heizman, Jean-Luc Porraz, ou Pierre Barrat. Côté Cinéma et Télévision, elle a collaboré avec des réalisateurs aussi divers que Xavier Gélin, J.-L. Raym, J.Rozier, Ph. Triboit, A. Wermus, E. Rappeneau, Effenterre, C. Vital, M. Sarraut…

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Entretien.

    D’où est venue l’idée de créer les Mots Parleurs ?

Après avoir créé une première version de Les Mots Parleurs (1989 à 1993) à destination uniquement du théâtre, je me suis rendu compte lors des lectures publiques, en invitant le public à venir découvrir des textes dramatiques contemporains, que les spectateurs aspiraient à assister aux représentations de la lecture et non à la création de la pièce elle-même. Ils argumentaient sur le fait qu’ils avaient la possibilité d’imaginer solitairement la scénographie, ainsi que la mise en scène. En 1996, sur la proposition de Nadia Derrar, directrice du CNT, de redémarrer Les Mots Parleurs, je décide donc de me consacrer à la lecture à voix haute en m’écartant du théâtre pour conserver uniquement la littérature, la poésie et l’essai. Je souhaitais m’interroger sur la représentation qu’imposait la lecture publique et souhaitais m’éloigner du spectacle. J’aspirais à la représentation du silence qu’impose la littérature. Je voulais simplifier la représentation en montrant un corps debout devant un public, et qui serait passeur et interprète d’un écrit.

Comment devient-on lecteur à haute voix ?

Ce n’est pas encore un métier, malheureusement, comme pourrait l’être celui de Conteur. C’est d’abord et avant tout un choix.  Il n’y a pas d’école ou d’institution pour devenir lecteur à Voix Haute, ce qui est bien dommage. Des formations existent essentiellement en direction des amateurs, très peu ou presque pas en direction des professionnels ou de ceux qui souhaitent le devenir. Pour l’instant, les Lecteurs à Voix Haute sont passés par le théâtre, l’animation, l’écriture ou l’enseignement ou sont Conteurs (ce qui n’est pas le même travail), ou le font sur leur temps libre (la retraite par exemple). C’est à ce jour plus une fonction qu’un métier. C’est aussi, avant tout, une posture.

Quels sont selon vous les critères pour devenir un lecteur à haute voix. ?

Ce qu’il faut comprendre, c’est que ce n’est pas qu’un savoir-faire. Il faut bien sûr une technique mais qui n’est pas si compliquée à acquérir. Lire à voix haute est un exercice difficile, exigeant et intransigeant, ludique aussi,  qui donne un sentiment profond de liberté. Au même titre que la lecture “silencieuse”, du reste. A mon sens, il faut plus aimer l’écrit et moins l’image de soi-même. Lire à voix haute, c’est d’abord et avant tout accepter un travail solitaire pour acquérir une maturité de représentation. Il faut aussi une exigence d’interprète. Sans aucun doute, cela se produit quand l’égo trouve sa place et qu’il n’a plus besoin de reconnaissance. C’est accepter la patience, aimer le silence. Être Lecteur à Voix Haute est un métier profondément solitaire qui n’a plus rien à voir avec l’art de jouer. C’est plus un art d’interprétation de l’écrit. Peut-être est-ce le français qui m’amène à exprimer cela !  Il faut lire…beaucoup lire…silencieusement d’abord.

Avez-vous l’impression d’apporter quelque chose de nouveau dans le monde littéraire ?

 Les éditeurs ont besoin de nous, les libraires ont besoin de nous, les bibliothécaires ont besoin de nous, pour les écrivains, je ne suis pas sûre. En tout cas, ils n’ont pas besoin de nous pour écrire ! Nous n’apportons rien de nouveau dans le monde littéraire, dans la mesure où nous faisons un travail totalement archaïque. Cet exercice était déjà pratiqué dans l’Antiquité. Abandonné pendant une longue période, nous le faisons réapparaître. Ce qui est peut-être nouveau, c’est de vouloir en faire un métier et de l’exercer comme tel. Nous participons à la médiation du livre,  sans être des médiateurs culturels. 

Avez-vous des retours de la part des auteurs dont vous lisez les œuvres ?

Oui, assez régulièrement. D’abord et avant tout, un sincère remerciement. Puis certains témoignent le trouble d’entendre leur écrit prendre une autre chair. D’autres expriment le souhait de réécrire le passage lu. Quelques-uns ont témoigné publiquement qu’ils avaient l’impression d’être en train d’écrire, ce qui pour moi est le plus beau compliment. Depuis, les mêmes m’envoient leurs livres nouvellement parus. Une seule fois, un auteur a pris la parole, à la suite de la lecture, pour exprimer son désaccord total. Le public a réagi immédiatement en renchérissant qu’il ne voyait pas ce qu’il voulait dire, car il avait apprécié le texte ! Cela n’est arrivé qu’une fois en 19 ans.

Nous sommes en plein salon du livre, comment peut-on faire appel à vous ?

En m’appelant au 0612086666 ou par mail : motsparleurs@wanadoo.fr ou par le site www.motsparleurs.org 

 

Propos recueillis par CEO Dominique Lancastre

Proofreading Colette Fournier

Photos Valérie Delbore

www.pluton-magazine.com

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8 comments

Je n’ai assisté qu’à quelques lectures alors que de mon côté, je participe à la bibliothèque sonore en qualité de donneur de voix. Je suis conscient de la difficulté de cette pratique et j’aurais bien besoin d’être guidé. Ce n’est pourtant pas l’éloignement qui soit une contrainte pour se rencontrer, mais la multitude d’activités qui constitue un emploi du temps  » mosaïque « . Bravo pour cet engagement et toute l’énergie qui se dégage des lectures à haute voix. A bientôt. Paul, de Semur.

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