Agat Marylène, libre et rebelle

 

12193646_422714154586486_1253509034728009166_n-110 ans, cela se fête ! Et pour s’offrir ce cadeau avant de l’offrir à son public, Marylène Agat va peindre une série de toiles dans lesquelles, cette fois-ci, elle emporte son âme non pas en enfer, mais dans une symphonie de couleurs où le masque tombe comme le rideau sur la scène, car sur la scène de ce monde, les acteurs et les  images ne sont pas fidèles, encore moins les miroirs qui se teintent de leurs pâles reflets.

 

Qui est Marylène Agat ?

Cette plasticienne d’origine martiniquaise vivant en Guadeloupe est à l’origine des petits personnages qui peuplent ses toiles et qui revisitent nos comportements dans leurs interpellations les plus profondes en sondant la conscience, l’inconscience et le subconscient. C’est une femme libre et rebelle qui apporte sa lumière, à sa façon, dans le feutrement de la nuit  et dont la raison ne formule aucune objection.

Imago est le nom donné à sa toute nouvelle exposition d’une trentaine de tableaux. L’artiste veut laisser une empreinte indélébile, une flagellation mentale à tous ceux qui voudront bien accepter leur poteau de supplice pour s’affranchir, se découvrir, être enfin vrai, être enfin soi,  car le masque est comme un bal de Touloulou où le mal danse avec le bien, et où le mâle pense valser avec la femelle. Chacun a le droit de savoir pour agir en tout état de cause afin de briser la prison de verre où la personnalité unique chemine ses cent pas dans la même cour, sans se rendre compte que le confinement profite à bien d’autres.

Pluton Magazine a posé une toile vierge sur un chevalet pour vous peindre quelques réponses  de Marylène Agat.

LE FLASH EN REFLEXION 41X68 ACRYLIQUE SUR TOILE +MATIÈRE

 

PM : Imago, pourquoi ce nom ?

 

Le mot IMAGO résonnait plus que ce mot « image ». La simplicité de ce mot « image » résonnait plus y a 30 ou 40 ans. On  dit souvent : être sage comme une image, mais l’Image est-elle vraiment sage aujourd’hui ?

Cette année, j’ai voulu parler de l’image : en latin « Imago Masque Mortuaire ».

Il me semble important de parler de l’image, de ce qui paraît, de ce qui s’entrevoit, car, aujourd’hui, l’homme a dépassé ses limites. L’image a pris une telle importance que nous la changeons pour le plaisir de l’autre, dans tous les sens du terme. La société nous impose ce changement. L’image ! IMAGO ! nous entraîne inéluctablement dans un monde mortuaire, elle nous contrôle, elle nous prend dans son jeu et nous prenons un plaisir parfois candide à jouer avec elle. Tous ces compléments de l’être humain : alimentation, esthétique, vestimentaire, physique ou diabolique, sont des manipulations orchestrées. Nous sommes privés de nos propres facultés de perception et du mouvement. Nous avons perdu nos repères et les valeurs de notre identité culturelle commune à chaque peuple pour converger vers un concept unique, pour tout uniformiser. Nous sommes les pions de l’échiquier de cette nouvelle ère.

Ce passage de la fiction à la réalité, et vice versa, est une façon d’échapper aux contraintes imposées par la société qui, elle-même, va proposer un contrepoids pour ne pas voir l’entourloupe. Nous sommes intoxiqués au quotidien et l’image devient une aliénation mentale très puissante. Conscient ou inconscient, le monde perd de sa valeur… se cache derrière l’image.

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PM : Avez-vous suivi une influence, un courant artistique défini, même en étant autodidacte ?

Non, je n’ai pas subi d’influence à mes débuts. J’ai grandi dans un monde imaginaire. Je me souviens que j’avais un professeur de français qui a dit un jour à ma mère : « Madame, il faut que votre fille aille voir un psychologue, elle est très absente dans les cours », une façon de dire que j’étais très rêveuse, et que je n’écoutais jamais. Et j’ai grandi avec ce silence, en donnant l’impression de n’être jamais comprise et surtout de parler dans un vide pourtant plein, comme si personne n’entendait  ce dialogue de sourds.

Très jeune, je prends ma vie en main. Je perds mon père puis, quelque temps après, ma mère, et c’est à ce moment précis que le déclic se fait. Je commence à m’intéresser à l’art.

Je dévore les livres et tout ce qui concerne le dessin, ensuite je regarde les tableaux d’un œil différent, et là, je commence à m’intéresser à différents artistes de France.

J’ai été influencée par quelques peintres, Van Gogh, Matisse, Jean-Michel Basquiat, Alain Caprice, Joël Nankin… pour ne pas dire, je suis tombée en admiration, et plus les années avançaient, plus le peintre lui aussi mûrissait par l’apport du monde et par son expérience personnelle. À mes yeux, c’est très important que le peintre se libère peu à peu de ses influences et devienne lui. On ne dit pas que Dali peint comme Van Gogh ou Monet comme Pissaro… le peintre doit s’émanciper et ne pas rester dans l’ombre d’un tableau dont les mérites le desservent constamment. Il ne doit pas s’enfermer dans un carré, nous sommes déjà, dans la vie, tous dans un carré. La maison est carrée, le lit est carré… tout ce qui nous entoure dans notre quotidien a la forme d’une boite, je prends cette liberté, mon travail ne se range pas dans une catégorie de figures ou de style, toutes ces lois de la peinture qu’on impose et qui détruisent quelque part le peintre autodidacte. C’est un travail de liberté, ma thérapie.

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PM  : Votre peinture est-elle porteuse d’espoir ?

Ma peinture, bien sûr, est porteuse d’espoir, mais avant l’espoir, il faut qu’il y ait une prise de conscience. Mon travail s’opère en tout premier lieu sur la base d’une prise de conscience individuelle. C’est vrai, nous n’avons pas toujours envie d’entendre la vérité. Ce n’est pas facile de mettre la vérité en peinture, tous ces thèmes que j’ai peints – la violence, le manque d’amour, l’aliénation –  accrochés dans un salon assorti à la couleur de vos chaises, vos rideaux, ou autres,  nourrissent l’espoir au quotidien. Mon travail est une conscience démultipliée à chaque fois qu’un œil différent l’auscultera.

PM : Y a-t-il un projet fou que vous auriez aimé conduire ?

Mon projet le plus fou, qui finalement n’est pas si fou que cela, c’est simplement de pourvoir voyager de pays en pays avec mes toiles, pour faire passer tous ces messages, sans contrariétés, car quelles que soient les latitudes ou l’on se trouve, nous sommes tous dans la même situation, certains plus que d’autres.

PM : Ces petits hommes de lumière, pourquoi ? 

Les petits hommes de lumière, figurines unisexes à la tête noire et en robe blanche, c’est nous, l’Humanité, l’Homme, c’est vous, c’est moi, la terre tout entière. Personne ne peut faire de reproche, car nous sommes tous égaux sous cette tenue fantomatique.

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PM : Parlez-nous du passage de l’état liquide au solide ?

J’ai toujours aimé la nature, les arbres plus particulièrement. Quand j’ai besoin de calme ou de me remettre en question, il faut que je sois en forêt, pour me régénérer. J’ai toujours été en admiration devant les sculpteurs sur bois. Le bois est un matériau qui m’attire, et pour cette exposition, j’ai eu un besoin de sculpter ces petits personnages qui sont une représentation de sous, masquée. Derrière un masque, tellement de choses se cachent : le mystère, la personnalité, la fragilité, le respect, l’hypocrisie, la gentillesse (…), tous ces personnages ont une personnalité cachée, comme chacun d’entre nous.

PM : Vos vernissages sont une mise en scène artistique particulière où les mots viennent s’ajouter à votre travail, pourquoi ?

Mes vernissages ont toujours une mise en scène. Pour moi, c’est une façon  d’emporter tout le monde dans mon univers, même si la toile à elle seule se sent capable de parler. Je prends plaisir à construire une mise en scène, même si, parfois, elle paraît dure. En plus de cette mise en scène, les mots se doivent d’être complices. Ma complice, c’est la poésie et si je pouvais avoir un poète à chaque exposition, ce serait élogieux pour moi. L’artiste peintre a toujours besoin d’un complément pour accompagner son art, c’est comme le vin pour la nourriture, pour moi, c’est la Poésie qui est mon complément pour adoucir mon travail pictural.

Les artistes que je choisis sont des artistes qui complètent ou sont parfois la finition de mon travail. Une confirmation du sujet que j’ai traité. Je travaille souvent avec d’excellents artistes comme : Erraus le Parolier, Georges Cocks,  Alain Caprice, Didyer Manette… L’expression même de leur travail est déjà une toile que j’ai envie de peindre.

PM : De plus en plus de gens peignent aujourd’hui, est-ce un masque qui tombe ?

 

Oui ! Je pense qu’aujourd’hui, l’art porte son masque, Alors qu’il ne devrait pas le porter. Je pense que les vrais artistes sont ceux qui peignent avec leurs âmes et non avec le masque. Ces toiles qui parlent, qui vous dégagent une émotion, qui vous prennent par les tripes, celles-là ne portent pas de masque, car pour être artiste, il faut avoir une âme propre. Dans le monde où nous vivons, quels sont les artistes qui ne trichent pas ? Ceux que l’on appelle les peintres engagés, les peintres qui se servent de leur pinceau comme d’une arme dangereuse et qui font serment envers le peuple de ne dire qu’une vérité à leur façon, combien sont-ils ? Le mot vérité a-t-il un sens ? À mes yeux, il en a un, mais difficile à employer de nos jours. Je ne porte pas ce masque, le porter, ce serait bafouer mon travail pictural, mais en plus, ce serait un tissu de mensonges envers ceux qui m’encouragent dans ce travail que j’ai choisi en âme et conscience.

Le monde du silence acrylique sur toile +matière 2010 CATARACTE 38X65 ACRYLIQUE SUR TOILE +MATIÈRE IMAGO 60X79 ACRYLIQUE SUR TOILE +MATIÈRE

En effet, Imago révèle la fascination de l’artiste pour le travail de la matière  et sans s’égarer, elle va laisser libre cours à l’alchimie de ses pensées pour une congélation authentique du pinceau et du ciseau à bois. Ce goût et ce talent hibernant sont un joyau qui vient comme une virgule pour relancer la puissance de son art et une carrière Picassienne hors pair, car Marylène n’a rien à envier, elle est simplement enviable par-dessus tout. Et si Marylène vole au ciel un peu de son eau pour étancher la soif de son pinceau pendant qu’il déverse sa bonté aux hommes, vous allez vous rendre compte par vous-mêmes que ses tableaux sont aussi vivants, à troubler votre imagination. La nature lui prête des supports les plus variés. Dans son atelier, la peinture s’essaye et se frotte à tout. Elle tapit tout ce qui se fige alors, si vous avez la chance de passer par là, ne restez pas immobile ou vous risquez de finir en toile.

Rédacteur  Georges COCKS

Secrétaire de rédaction Colette FOURNIER

Pluton-Magazine/2017

Du 7 au 30 avril 2017, IMAGO s’expose et vous accueille  au centre culturel Remy Nainsouta à Pointe-à-Pitre, en Guadeloupe. INFOLINE 0690361340

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agat_nAgat Marylène, plasticienne, née à Paris dans le 12°, est une mère d’origine martiniquaise, elle a deux filles adorables et vit maintenant en Guadeloupe. Elle ne suit pas de cours d’art plastique et cette liberté a rendu puissant son pinceau, car elle enchaîne les expos. Entre Ciel et Terre est sa toute première exposition, en 2006. Elle ne veut plus jouer à la marelle. Elle se consacre entièrement à sa passion, son métier.  Elle expose de festival en festival, elle fait voyager ses tableaux dont chacun a quelque chose à raconter, des histoires sociétales, d’origine… Antan lontan jôdijou rivé, Kaz an nou, Kwayandiz jôdijou,Viol+ en+ ce+ mon+ de+ fou+

Papillon volé et maintenant, IMAGO. Elle accueille dans son antre privé les cœurs, petits et grands, sensibles, qui veulent aussi mélanger les couleurs dans son laboratoire magique.

Elle dit : «  Le peintre, comme je le suis, ne peut vivre seul à travers son travail, il a plusieurs fonctions. Il est à la fois médium, politicien, psychologues, mystique, et vit entre deux mondes parallèles.

L’image du peintre que je suis est bien loin de l’image que l’on a d’un peintre, elle dépasse les frontières (…). Je prends plaisir, je fais des rencontres magnifiques, presque magiques, parfois Mystiques ! »

 

 

 

 

 

 

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