Une promenade en poésie (4) : Patrick Prigent

Originaire de la Bretagne,  Patrick Prigent  fait une halte dans Une Promenade en poésie 2017. Patrick Prigent vit et travaille en Bretagne, région qui influence fortement le fond de son écriture, dont il revendique la recherche formelle.

 

Et puis l’envol.

(Premier recueil. Editions des Vanneaux 2015. Extraits) 

1.

Je parle sans mémoire

d’un temps qui la précède

m’incarnent les parages

du lieu qui reste à dire

2.

On entre dans la pierre

par les détours soyeux

d’un vif éclat de lune

sur le sable mouillé

3.

Mains ouvertes du gel

sur le plat-bord des barques

la paume vers l’écharde

le dos jonché d’étoiles

4.

La nacre où gît l’éclair

d’une coquille d’huître

entaille les deux faces

d’un miroir phréatique

5.

L’eau et l’algue partagent

d’incurver vers plus bas

où déviée la lumière

oeuvre à la transparence

6.

Bleue l’aiguille des pins

l’odeur lente des pluies

interlignes sonores

d’un dialogue inaudible

 

(Second recueil. Editions La Centaurée 2016. Extraits)

1.

Je reviens de l’herbe

où le sang des vêlages

appelait le matin

2.

Un bain de fougères

a blessé mes aisselles

sensibles aux chemises

3.

Pulsation de bleu

culminante dans les nœuds

serrés des bourgeons

4.

Levain de l’orage

aux soirs de germination

les sols soulevés

5.

Comme dans un lit

au pli des schistes froissés

le vent penchera

6.

La balançoire

se souvient des nystagmus

d’un soleil feuillu

7.

A l’unisson des ailes

une rumeur de feuilles

après l’envol s’enterre

8.

Le vent a chassé

les moins mortes des étoiles

vers où naît minuit

Suite Nord Armoricaine

Patrick Prigent

Patrick Prigent vit et travaille en Bretagne en tant qu’auxiliaire de vie scolaire. Après avoir vécu en Irlande de sa musique avec un répertoire de chansons traditionnelles et de compositions, ses chemins l’ont conduit en Guyane où il a travaillé dans le bâtiment. Son métier, celui qui l’a fait vivre le plus longtemps, est celui d’ouvrier spécialisé dans la taille et la pose de pierre. Ce parcours en zigzag qu’il considère comme une richesse, l’a petit à petit amené vers l’écriture.
Ses premières amours littéraires allèrent aux écrivains voyageurs tels que Jack London, Conrad, Stevenson, Hemingway…  Puis, il y eut le choc de la rencontre avec la poésie contemporaine. Guillevic, Cadou, naturellement proches de ses origines et de son environnement breton, puis René Char et Jacques Dupin dont il fut profondément marqué, au point de devoir « s’en défaire » avant d’oser lui-même commencer à écrire.
Se refusant à s’inscrire dans un style particulier, expression dont il se méfie, il considère la poésie comme le prolongement d’une attention au monde.
Attiré par la nature, thème de prédilection, il travaille ses phrases dans un souci d’élagage et de concentration du texte, loin de toute recherche de joliesse. D’où cette forme en quatrains ou en tercets, tirant parfois vers le haïku tout en refusant la rigidité de leurs codes.
le grand serpent
des rives de l’Oyapoque
aux canopées du Maroni
***
se mord la queue
d’illusoires
frontières
***
prostituées de Cayenne
réfugiés d’Haïti clandés du
Suriname
orpailleurs brésiliens aux
pieds nus
***
Amérindiens
Bushinengués
Neg-marrons
***
vous a t’on conviés à la table
des ministres excusants
et des syndicats miliciens
***
pays ravagé de mercure
perfusé de misère
nous sommes le cancer
des tropiques
***

 

par la radio métropolitaine
c’est mon mutisme que
j’entends dans le vôtre
Langagiers des forêts
Pluton-Magazine/2017.
 
Copyright Un promenade en poésie/2017.
 
Secrétaire de rédaction Colette FOURNIER.

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