High-Profile: Vénicia Guinot éditrice et rédactrice en chef de Tropics Magazine.

 

 

Mme Venicia Guinot, éditrice et rédactrice en chef chez TROPICS MAGAZINE, fondatrice et présidente intrépide de TROPICS MEDIA GROUP, lauréate de plusieurs prix:

 « c’est le devoir de l’Afrique de raconter sa propre histoire. »

 

En 2010, alors que l’Afrique du Sud se préparait à accueillir le monde sur son sol pour la toute première Coupe du monde de la FIFA organisée en terre africaine, cette jeune femme panafricaine a fondé sa propre entreprise médiatique (TROPICS MEDIA GROUP) avec la volonté de changer la façon dont l’Afrique gère sa propre  image de l’intérieur. Faisant du lancement de marques médiatiques son cheval de bataille tout en comblant les lacunes du marché et en consacrant les dix dernières années à produire des contenus de qualité dont l’Afrique et le monde pourraient être fiers, Mme Guinot est depuis passée maître dans tout ce qui touche aux « médias ». Extrêmement prise par son travail, elle trouve tout de même le temps de donner un coup de pouce à la prochaine génération en dirigeant des sessions qui lui permettent d’élargir sa vision de ce que les médias devraient être en rencontrant les prochains visages du secteur et, dans un même temps, en travaillant dur pour nouer des partenariats stratégiques, tant au niveau régional qu’au niveau mondial.

 

L’innovation et la créativité sont ses leitmotivs et cette experte des médias est une figure de proue de son secteur, notamment aujourd’hui, alors que son travail est reconnu dans le monde entier et surtout par le Bureau Régional des Nations Unies pour l’Afrique Centrale (UNOCA). Alors qu’elle poursuit son travail sur ce qui est passé sous silence et sur des histoires vraies du continent africain qui ne font jamais les gros titres des médias traditionnels, Mme Guinot est persuadée que les peuples africains et leurs différentes cultures peuvent contribuer à façonner une meilleure image d’eux-mêmes en tant que peuples, en mettant leurs réussites en lumière. Elle lutte donc en permanence pour produire des contenus originaux qui plaisent à un public mondial.

 

 

 

À l’occasion du 7e anniversaire de TROPICS MAGAZINE, le 11 mars 2017, l’équipe de PLUTON MAGAZINE a rencontré Venicia Guinot à Johannesburg, la ville de l’or. Voici l’histoire d’une jeune femme africaine qui ne doit rien à personne et qui a lancé sa toute première entreprise avec zéro dollar en poche…

 

« Tout d’abord, mon prénom signifie « amour » et l’amour, la joie et l’amour du vivre-ensemble sont les valeurs de base de mon travail. En tant que fondatrice du tout premier magazine de société bilingue international 100% africain (magazine de l’année aux London – CA Awards 2016-2017), je pense que les médias, c’est le pouvoir et que le pouvoir est « pratiquement » confisqué au continent africain et cela va bien au-delà de mon humble avis.

Permettez-moi de vous en dire plus sur moi. J’ai décroché mon diplôme de l’enseignement secondaire à 17 ans au lieu de 18 et j’ai été admise à l’École supérieure de gestion et d’administration des entreprises de Brazzaville (République du Congo), en Afrique centrale, où j’ai obtenu un premier diplôme en Communications et Multimédia, car cet établissement ne proposait pas de cursus en droit des affaires pour les étudiants de premier cycle comme moi. Depuis l’âge de sept ans, je savais exactement ce que je voulais faire, c’était clair dans ma tête : j’avais le choix entre devenir avocate d’affaires ou journaliste, mais pas une simple journaliste (sourire). Je voulais devenir une professionnelle des médias avec un « cabinet » en ville, créer ma propre entreprise et me faire un nom.

 

Deux ans plus tard, j’ai obtenu mon diplôme en communications multimédia. J’ai choisi cette voie car, depuis le début, je savais que je ne voulais pas être simplement classée dans la catégorie des reporters et des journalistes d’investigation (même si le journalisme est un art noble). Je voulais explorer différents domaines, évaluer mes opportunités, innover et bousculer le secteur, simplement, mais efficacement. Et c’est exactement ce que j’ai fait ! Ensuite, 2006 est arrivé et ma mère, qui m’a élevée seule, a décidé de m’envoyer poursuivre mes études à l’étranger car elle sentait qu’à l’époque, le pays n’était pas stable et, bien qu’elle fût elle-même avocate des femmes travaillant pour l’UNESCO – Congo, depuis 14 ans à l’époque, elle pensait qu’il était important pour moi de découvrir de nouveaux horizons et de mûrir. Selon elle, l’Afrique du Sud était l’endroit idéal, bien que j’eusse préféré Londres ou le Québec. Inutile de préciser que ma mère était véritablement le centre de mon univers (paix à son âme) et, encore aujourd’hui, je l’entends me dire « Une femme noire a le droit de devenir ce qu’elle veut devenir. Ce n’est pas une question de sexe, de nationalité ou de race. Les femmes fortes sont celles qui relèvent les défis ».

 

Pour être honnête, mon père ne nous a pas abandonnées (sourire), mais il est parti alors que j’allais avoir 5 ans. Tout cela pour vous expliquer que j’ai été élevée par des femmes, ma grand-mère et ma mère, qui ont joué les rôles de père et de mère à merveille jusqu’aux derniers jours de leur vie. De l’extérieur, je voyais l’Afrique du Sud comme le pays de Tata Madiba, mais, au-delà de ça, je ne connaissais rien du pays en lui-même au niveau du monde des affaires et de l’entreprise et ça ne fait qu’un an que je comprends la culture sud-africaine, dont ses 11 langues officielles. Étant titulaire d’une bourse Winrock International, un programme lancé par l’ancien président Bill Clinton, je me devais de montrer l’exemple, de poursuivre mes études et de m’assurer de trouver un emploi, en Afrique ou ailleurs, qui allait me permettre de m’assumer et d’aider notre petite famille de trois filles au pays.

 

Quand je suis arrivée, j’ai dû m’inscrire chez ABC International pour améliorer mon anglais et reprendre mes études rapidement. Une opportunité de travailler chez AngloGold Ashanti s’est présentée, mais j’ai préféré refuser et rester concentrée sur mes projets. J’ai finalement repris des études en gestion d’entreprise, ainsi qu’une licence (cette fois) en gestion logistique, ce qui m’a permis d’acquérir des compétences qui allaient me servir plus tard lors de ma carrière d’entrepreneuse. À partir de 2009, j’ai commencé à rédiger quelques articles ciblant des acteurs africains influents et je les ai conservés sur mon ordinateur portable pour de futures plateformes potentielles en attendant d’avoir la chance de rejoindre la salle de presse.

 

Un jour, mon téléphone a sonné et on m’a proposé un emploi d’agent logistique dans une entreprise privée basée à Sandton (Afrique du Sud). J’ai commencé à découvrir le monde sud-africain de l’entreprise en profondeur. Plus tard, pendant ma pause-déjeuner au travail, j’ai décidé d’appeler le magazine AMINA en France alors que j’étais encore à Johannesburg, j’ai demandé à parler au rédacteur en chef et j’ai proposé mes services au fondateur qui m’a demandé mon CV pour prendre une décision informée. J’ai eu des nouvelles quatre heures plus tard, alors que je quittais le bureau. On m’a proposé l’emploi de ma vie : grand reporter pour AMINA Magazine dans le sud de l’Afrique. Ce jour-là, ma stratégie et ma vision sont passées de locales à mondiales. En vérité, j’étais devenue une journaliste multimédia professionnelle dirigeant les opérations en Afrique du Sud, sous la responsabilité du siège à Paris, tout en faisant le portrait de leaders sud-africains et panafricains.

 

Le 15 mai 2008, alors que l’Afrique du Sud célébrait le jour où la FIFA avait donné le feu vert à l’Afrique et où le président de la FIFA, Sepp Blatter, avait annoncé, quatre ans plus tôt (le 15 mai 2004) que l’Afrique du Sud accueillerait la Coupe du Monde 2010, j’ai passé toute la journée à regarder les infos et à comparer la façon dont les principaux médias étaient diffusés sur les différentes plateformes (en ligne et traditionnelles). J’étais très déçue de voir la couverture médiatique que l’Afrique du Sud recevait au lieu de la faire elle-même. Cela a été un déclic. Je me suis dit que cela suffisait et que je devais, pour une fois, changer la façon dont nos médias et notre presse traitaient notre image avant que les chaînes de télévision internationales ne nous emboitent le pas. Madiba était déjà une de mes idoles et, même si je savais que ce serait difficile de le rencontrer en personne, j’ai décidé de faire les choses à ma façon, d’honorer son héritage et celui de son père et de faire un grand saut dans l’inconnu.

À 23 ans, j’étais certaine d’aller dans la bonne direction et j’étais prête à suivre cette voie. La Coupe du Monde de la FIFA 2010 est devenue un moment clé de ma carrière car elle a permis à mon projet de progresser. Je devais avant tout trouver un concept novateur qui permettrait à davantage d’Africains de s’élever et d’améliorer l’image du continent. TROPICS MAGAZINE est devenu cette plateforme et elle le reste à ce jour, la seule plateforme qui couvre vraiment toute la gamme des informations et des tendances actuelles et qui célèbre nos héros et héroïnes, reconnus ou non. J’ai terminé mes recherches trois mois plus tard et réalisé un business plan. Mon but ultime est devenu réalité en mars 2010 et nous avons lancé, avec succès, le premier magazine bilingue (anglais et français) pour la communauté cosmopolite des lecteurs, avec une équipe de trois personnes, et nous sommes devenus une référence après notre première nomination à Londres. À l’époque, je n’avais pas d’argent à investir dans ce projet, dans la mesure où mon emploi principal chez AMINA m’aidait à payer mes frais d’admission, et mon salaire en tant qu’agent logistique me permettait d’aider ma famille au pays. La seule façon de réaliser cette vision et de créer ce magazine était donc d’enfreindre les règles, de changer le secteur et de modifier les codes des médias.

 

En mars 2010, j’ai décidé de lancer TROPICS MAGAZINE sous forme de blog en me basant sur mes compétences techniques et en en faisant un magazine de société traitant de la communauté internationale, bien que le public cible principal fût les Afro-caribéens. Une par une, nos histoires ont touché les masses, des pays et villes tels que la France, le Royaume-Uni, l’Afrique du Sud, le Sri Lanka et New-York ont constitué le top 5 de notre lectorat et notre premier objectif a été atteint en quelques mois. En outre, nous avons dû mettre sur pied une équipe pour les trois principaux pays, pour gérer un public spécifique qui comptait sur nous pour couvrir certains événements. Notre ligne éditoriale et nos équipes professionnelles disséminées partout dans le monde nous ont permis de réussir. Du premier au 26e numéro, nous avons travaillé avec un budget égal à zéro mais l’équipe est restée la même et a fait preuve d’efficacité jusqu’à aujourd’hui.

 

 

Nous sommes progressivement passés d’un membre à quinze journalistes, contributeurs et photographes, ce qui nous donne davantage de visibilité dans des pays et des villes tels que la France, Londres, la Turquie, Ottawa, New-York, le Sri Lanka, le Cameroun, le Congo-Brazzaville et l’Afrique du Sud. Tout ce que nous avons accompli chez TROPICS MAGAZINE peut sembler insignifiant, mais nous pouvons affirmer fièrement que notre équipe internationale continue à travailler sans relâche et que c’est grâce à son génie créatif que notre entreprise continue à évoluer. Grâce au travail d’équipe, nous avons réussi la transition d’une publication numérique vers une version imprimée. Et après quatre années de fonctionnement sur des fonds personnels, après être parvenus à signer plusieurs partenariats internationaux de l’Afrique au Canada, sans sponsor et sans vouloir vendre 20 % d’actions à des investisseurs potentiels, nous avons encore dû poursuivre notre voie seuls plutôt que de courir après l’argent. C’était notre choix à l’époque et ça l’est toujours aujourd’hui. Lors de la création de la marque TROPICS, nous avons dû trouver de nouvelles stratégies pour soutenir notre vision sur le long terme et, après une session de réflexion, nous avons décidé de lancer le TROPICS MEDIA GROUP, un groupe multimédia et une société de holding composée de trois divisions principales : l’édition, les relations publiques et services de marque et, enfin, le design. Ces trois divisions nous ont permis d’attirer des nouveaux clients, de nouer de nouvelles collaborations et de nouveaux partenariats avec des marques internationales qui nous ont pris sous leur aile. Cette évolution montre les différents défis auxquels les entrepreneurs doivent faire face sur le continent et illustre la place des femmes dans le monde des affaires, même si les femmes africaines restent des actrices invisibles et des figures héroïques sur le terrain.

 

Au cours de ces 50 dernières années, dans la plupart des pays francophones, les gouvernements ont mis en œuvre différentes politiques et initiatives pour permettre aux femmes de s’élever et de connaître le succès. Aujourd’hui, il n’est pas rare de voir des femmes briser le plafond de verre et exceller dans tous les domaines et, chaque fois que cela se produit autour de nous, nous avons l’impression que n’importe quelle jeune femme ou femme d’Afrique est capable de tout. Dans le contexte africain, les médias ont fait du chemin depuis que le continent est sorti des innombrables guerres civiles et de l’ère de l’apartheid, mais l’arrivée des nouvelles technologies dans les salles de presse nous donne de l’espoir et nous fait penser que le meilleur reste à venir. Par exemple, 12 rédacteurs sur 43 sont des femmes. Ces 28 % de femmes dans le secteur sud-africain des médias pourraient sembler décevants, mais c’est beaucoup comparé aux maigres 3 % de femmes congolaises présentes dans le même secteur. Pour changer la situation dans les différents secteurs clés, j’espère que de plus en plus d’entreprises auront la volonté d’offrir des compétences stratégiques aux cadres moyens féminins dans le domaine des médias et que les réseaux de soutien endosseront un rôle plus important au sein de leur organisation. Selon moi, le soutien aux femmes dans le domaine des médias est essentiel pour stimuler la croissance, dans la mesure où le potentiel entrepreneurial des femmes africaines n’a pas encore été pleinement exploité.

 

Aujourd’hui, plus que jamais, l’Afrique a besoin de plus d’entrepreneurs et il est nécessaire d’agir pour surmonter les obstacles et changer les mentalités en intégrant la perspective sexuelle dans l’équation. Chez TROPICS MEDIA GROUP, nous tentons de promouvoir l’entreprenariat féminin dans les médias et d’améliorer l’environnement de travail pour les petites et moyennes entreprises (PME) pour qu’elles puissent réaliser leur plein potentiel dans l’économie mondiale d’aujourd’hui. TROPICS MAGAZINE pourrait donc servir de modèle pour étudier la façon dont les femmes africaines pourraient utiliser la technologie et les outils numériques pour travailler de façon indépendante, pour commercialiser leurs marques ou leurs idées efficacement en cette époque numérique, pour contrôler leurs résultats plutôt que leurs heures de travail et notamment pour trouver un équilibre entre leurs vies personnelle et professionnelle. L’entreprenariat dans les médias offre en effet des conditions de travail flexibles pour les femmes mais également pour les hommes.

 

Avant de terminer, je voudrais revenir sur la success-story de TROPICS MAGAZINE et dire que les hommes et les femmes ne sont pas si différents dans le monde des affaires et que, pour créer de meilleures équipes dans le secteur des médias, nous devons impliquer davantage les femmes sans exclure les hommes. À l’époque actuelle, les femmes écoutent et partagent des informations positives sur les médias sociaux. L’Afrique a besoin de plus d’entrepreneurs dans le secteur des médias et nos gouvernements ont la responsabilité d’agir rapidement pour supprimer les obstacles et les stéréotypes de genres sur le lieu de travail. Aux futures femmes entrepreneurs, je voudrais demander de ne plus avoir peur des nouvelles technologies et de les apprivoiser, de faire preuve de réalisme en se fixant des objectifs réalistes, de rechercher des synergies et de travailler sur des idées communes. Les réseaux sociaux comme Twitter sont complémentaires avec nos efforts en matière de marketing et n’oublions pas de plus que tout ce qui est posté sur les réseaux sociaux doit offrir une valeur ajoutée à l’expérience du lecteur. L’intégration de femmes comme moi peut représenter un fabuleux potentiel pour l’entreprenariat dans le secteur des médias. Ce secteur est un moteur du développement économique, de la création d’emplois, du développement personnel et communautaire et de l’autosuffisance.

 

Les femmes du 21e siècle, quelle que soit la couleur de leur peau ou leur origine, ne sont plus traditionnellement confinées dans la sphère sexiste du foyer. Elles représentent une partie significative et novatrice de la population qui contribue à la croissance économique. Dans la mesure où les professionnels des médias poursuivent leur lutte pour une vision éditoriale africaine plus positive et où les femmes souhaitent davantage d’égalité entre les sexes et obtenir davantage de postes importants, permettez à notre continent africain d’avancer en laissant celles qui sont invisibles, celles qui travaillent encore dans l’ombre, la prochaine génération de leaders accéder aux médias. Ce n’est qu’en changeant les « histoires » et uniquement par le biais d’un dur labeur et de l’innovation que nous pourrons montrer notre vrai visage au reste du monde. L’argent ne fait pas tout, alors n’oublions pas que ce sont les valeurs et les synergies qui ouvrent le plus de portes!

 

Proposé par Dominique LANCASTRE

Traduction Gotranslate Belgique

Secrétariat Traduction Colette Fournier

Photos :Avec l’aimable autorisation de TROPICS MEDIA GROUP & PLUTON MAGAZINE.

Copyright High-Profile/2017

 

 

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