La peur : de quoi avons-nous vraiment peur ?

Par Georges COCKS

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Nous avons, pour la plupart d’entre nous, des phobies, des peurs inexpliquées, des peurs héréditaires que nous transmettent nos parents, auxquels il manque parfois un peu de courage devant un cafard, une grenouille et d’autres bestioles inoffensives qui fuient notre présence. Certains ont moins peur que d’autres, pourtant ils redoutent quelque chose qui les fait frémir, là ou d’autres n’angoissent pas. Pourquoi ?

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Ce sujet est si vaste et les réflexions innombrables, mais nous aimerions sûrement avoir la réponse à ces trois questions : avons-nous toujours eu peur ? À partir de quand avons-nous commencé à avoir peur, et pourquoi continuons-nous à avoir peur ? Ces réponses semblent difficiles à trouver.

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Avons-nous toujours eu peur ?

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Probablement, vu que la peur est une réaction face au danger ou une menace imminente. L’analyse de ce danger et de ses conséquences permet au sujet, soit de l’écarter, soit de combattre ou de fuir. L’émotion peut être si vive que certains en sont cloués au sol, pétrifiés. Ils se laissent submerger et restent dans l’inaction la plus complète. Les situations de danger sont omniprésentes dans notre vie depuis toujours. La nature, en nous fixant des limites, nous fait développer des peurs liées à notre instinct de survie. La peur de tomber dans le vide depuis une falaise, la peur d’un animal carnivore, d’un serpent, un scorpion… ces peurs sont liées étroitement à la mort.

Nous avons commencé à avoir peur dès lors que nous avons appris à être conscients. Nous avons développé la faculté de l’analyse, du raisonnement, de l’application des conséquences et tiré les leçons des mésaventures des autres. Un enfant monté sur un toit va ramper jusqu’à basculer dans le vide. Il n’éprouve aucune peur, d’où le besoin de la protection maternelle, protection également visible chez de nombreux animaux. La prédation en est souvent la cause. On ne dira pas que les animaux ont peur, car ils ne sont pas dotés de la conscience comme nous, les humains. Cette protection permet la survie de l’espèce, c’est un instinct animal. D’ailleurs, de nombreux bovidés côtoient des lions repus sans les fuir, parce qu’ils ne sont pas une menace. Ils sont capables de mémoriser des situations à risques et peuvent rester en alerte.

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Pourquoi continuons-nous à avoir peur ?

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Pourtant doués d’une intelligence supérieure, nous constatons que notre rapport à la peur ne diminue pas mais augmente. Outre les phobies que nous transmettons comme un virus à nos jeunes enfants, nous en cultivons constamment d’autres. Nos peurs ont une relation étroite avec notre environnement. Si nous vivons en ville, nous développerons plus de peurs que le bushman. Notre environnement tend à nous sécuriser dans un cocon idéal et cela ne nous aide pas, même de façon moindre. Les autres facteurs qui génèrent une peur généralisée à la plupart des humains sont la douleur et la mort.

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La peur de la mort

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Pourquoi est-elle aussi forte ? Ce ne serait pas par lâcheté ni par un manque de courage. C’est complètement absurde d’avancer une telle idée. Notre réaction consciente en est la cause. Notre capacité d’aimer vient la consolider comme une épée d’Excalibur que nous ne pouvons pas nous-mêmes déloger. Nous savons que la mort met une fin à tous nos souvenirs, à nos relations avec nos proches, nos amis, nos biens et tout ce qui nous entoure. N’est-ce pas là une raison noble de ne pas accepter de mourir, et qui pourrait nous en vouloir pour cela ? L’éternelle jeunesse réside au plus profond de nous. Nous appréhendons tout ce qui pourrait y mettre un terme de près ou de loin, et nous nous créons de ce fait d’autres peurs : peur de l’avion, de l’insécurité… même le processus du vieillissement est reculé le plus loin possible à coups de poudre magique ou de mixtures pour nous donner une cure de jouvence.

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Le bizness de la peur

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L’exploitation de nos peurs est devenue une manne financière pour ceux qui ont su en tirer profit. Le fléau grandissant de l’insécurité nous oblige constamment à investir dans des systèmes de protection de plus en plus coûteux et sophistiqués. Du système à trois points sur la porte d’entrée jusqu’au système de télésurveillance et domotique à distance le plus élaboré, chaque année une nouvelle proposition sera faite, rendant obsolète la précédente. Certaines villes ont investi des sommes considérables dans la télésurveillance des rues sur le dos du contribuable, mais tout le monde ne vit pas en ville, quand tout bonnement ces caméras ne fonctionnent plus faute de trésorerie pour l’entretien du parc.  L’insécurité mondiale a obligé les aéroports à se doter de systèmes de contrôle digital, soi-disant inviolable, valant des millions. Auparavant, une simple application d’empreinte sur une pellicule de colle de bois séchée ou l’insistance d’une fausse empreinte suffisait à autoriser la reconnaissance.

Malheureusement, le marché de la peur de la mort profite aussi à l’industrie pharmaceutique. Des centaines de produits répondent à des maladies imaginaires et ne sont d’aucun intérêt sanitaire. Pour un rien, on court à la pharmacie, si bien que nous avons tellement de médicaments destinés à être gaspillés, et qui deviennent une nouvelle menace pour la santé publique, car on retrouve beaucoup d’excipients dans l’analyse de l’eau destinée à la consommation. Nous prenons ainsi des médicaments à vie sans jamais guérir, dans l’espoir de reculer la mort.

Paradoxalement, l’industrie du cinéma continue de donner des frissons avec des films d’épouvante de plus en plus tournés vers le surnaturel. Dans quel but ? Ceux qui regardent de tels programmes ont aussi des peurs. Cherchent-ils à se prouver quelque chose ? Pourtant, certains ont réellement peur dans cette salle obscure. Difficile de comprendre ce mécanisme chez certains.

La soif de sensations fortes pousse pourtant certains hommes à adopter des comportements dangereux. Sauter à l’élastique depuis un pont en remettant l’analyse du danger à un autre est un comportement qui laisse perplexe, car on repose sa confiance entre les mains d’un être tout aussi imparfait que nous. Les attractions des grands parcs, grimper à mains nues les façades des gratte-ciel ou des falaises et bien d’autres disciplines aussi casse-cou viennent inscrire leur palmarès au livre Guinness des records, avec des drames souvent meurtriers. Défier les lois de la nature n’est pas un acte de courage. Ces lois sont là pour nous protéger et nous maintenir en vie.

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Surmonter la peur

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Certains surmontent leur peur au prix d’une grande maîtrise et cela leur rend la vie bien plus agréable. Ils gagnent en confiance de soi et leur estime d’eux-mêmes augmente. Quelquefois, il suffit de se demander quelle est la véritable raison de sa peur pour commencer à la combattre. Si mon mari n’a pas peur des souris, alors pourquoi en aurai-je peur ? Quel danger représentent-elles pour moi ? Aucun ? Alors, pourquoi ne pas y travailler ? Certaines peurs résultent de traumatismes profonds et nous ne pouvons que les respecter.

Nous n’avons pas peur d’un arbre, parce qu’il est plus grand que nous et inoffensif, mais un adolescent violent et agressif peut nous causer des dommages irréversibles. Nous pourrions nous laisser faire sans résister, comportement que nous n’aurions pas avec un adulte, car cette agression est à l’antipode de notre éducation sociale qui impose le respect des petits vis-à-vis des grands et une protection des petits par les grands. Ces peurs peuvent-elles marquer à vie ?

Nous créons les armes qui nous infligent la terreur. Nous les avons fabriquées pour tirer essentiellement sur des humains, sous prétexte de se défendre contre nous-mêmes. Une telle facilité à ôter la vie crée indéniablement une peur épouvantable. Notre plus grande peur, aujourd’hui, est bien la peur de notre propre espèce avant tout. Notre société nous fait peur, nous conjuguons avec elle au quotidien, nous slalomons entre les choix à faire. Nous semblons condamnés à être toujours vaincus par la peur, car nous n’avons pas la maîtrise totale de tous les éléments physiques et psychologiques nécessaires pour la surmonter. L’inconnu même est une équation peureuse qui absout parfois la curiosité et le savoir. Ainsi, nous pouvons tous développer tellement de peurs à la fois que les mots ; courage et n’aie pas peur semblent venir d’un registre de contes de fées. En même temps, la peur devrait nous ramener à une humilité profonde et à un respect total de notre vie et de celle des autres. Le futur devrait nous y aider, mais c’est un peu le contraire qui se produit. Notre futur semble pessimiste, c’est pour cela que certains surmontent la peur, même celle de la mort, dans la recherche de la spiritualité ; le besoin de quelque chose d’infiniment supérieur les remet dans une position de soumission, où l’inquiétude n’existe plus au sens habituel ou nous l’entendons.

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©Pluton-Magazine/2019/Paris 16eme

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Par Georges COCKS
Ecrivain- Editeur-Poète-Romancier
Rédacteur Pluton-Magazine
Site :
www.cocksgeorges.jimdo.com

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