APPOLOSS DIABY – La musique n’a pas de couleur

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Il est grand et joyeux et sa musique fait danser bien au-delà du continent qui l’a vu naître. Infatigable combattant des causes justes, il croit fermement que la musique est le vecteur qui lie tous les humains en dehors des conflits qui les séparent.

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Artiste pluriel, il aime donner sa voix à ceux qui n’en ont pas : minorités, pauvres, exclus de la société mais son discours n’est ni moralisateur ni triste. De même, il adore emprunter au patrimoine folklorique et faire chanter l’accordéon, la cornemuse ou la vielle tout en se servant des outils numériques. Même si le zouglou et l’afrobeat n’ont aucun secret pour lui, il refuse donc obstinément toute étiquette. Producteur indépendant, il a créé Treichvision, une société d’édition musicale solidaire située à Brignais. Son dernier single, Les Sans-Voix, est sorti le 17 octobre à l’occasion de la journée mondiale du refus de la misère. Pluton-Magazine a rencontré Appoloss Diaby pour vous dans l’ambiance chaleureuse d’un café lyonnais.

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PM : bonjour Appoloss, tu es donc un Lyonnais d’adoption, quelle est ton histoire avec cette ville ?

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  • Je suis à Lyon depuis plus de 20 ans, j’y suis arrivé pour encadrer un projet musical dans le cadre de la Biennale de la danse avec la Maison de la danse. Je coordonnais différents projets chorégraphiques et musicaux autour du thème du Brésil. Après Paris où j’avais déjà conduit des projets, Lyon offrait une belle opportunité de me professionnaliser davantage, et j’ai eu envie d’y rester, d’autant que mon grand frère était déjà là. C’était aussi pour moi la possibilité d’explorer de nouvelles pistes. La musique africaine était déjà présente à Lyon mais restait et reste attachée à une image traditionnelle. Les percussions sont le cœur de cette musique, mais ce qui est intéressant, c’est d’introduire d’autres rythmes, d’autres approches.

PM : tu es un artiste reconnu en Afrique, avec plusieurs titres et groupes à ton actif,  et dans un article, j’ai lu que ta vocation musicale s’est déclarée très tôt, à 8 ans ; peux-tu nous en dire plus ?

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  • Je suis né et j’ai grandi en Côte d’Ivoire, à Treichville, dans une grande famille marquée par la musique, et avec un papa musicien. Mon père jouait de plusieurs instruments et moi, j’ai démarré par la flûte, puis la guitare et petit à petit j’ai élargi à d’autres instruments. A 8 ans, je jouais déjà dans des formations de quartier, chaque quartier en avait, avec des chanteurs et des danseurs, chaque formation avait son identité musicale propre et je participais à des concours locaux. J’ai donc une longue carrière derrière moi (rires).

PM : tu refuses d’être un chanteur assigné à un style défini, c’est une volonté très marquée chez toi, peux-tu nous en expliquer les raisons ?

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  • Je m’insurge contre cela depuis l’enfance. On n‘est pas ce que les gens veulent nous renvoyer de nous. En Afrique, la musique est très marquée traditionnellement et il n‘existe pas de chemin commun avec la musique occidentale. Mais moi, j’ai refusé de m’inscrire dans cela. Enfant et adolescent, j’excellais aussi bien dans la musique que dans le foot, c’était en quelque sorte un chemin tout tracé et moi, ça m’a bloqué. Je voulais faire autre chose et mélanger les cultures J’ai même dissous plus tard mon premier groupe français de musique africaine pour échapper à ce confort. J’ai toujours été en rupture de ban, y compris avec l’école dont je refusais les dogmes, ça m’a valu pas mal de problèmes. Mais je suis un rebelle tolérant et non violent ; la colère sans la beauté, c’est nul ! Je suis sûr que cela vient de ma maman. Ma famille est de tradition musulmane et animiste, mais ma mère n’a pas hésité à m’inscrire dans une école catholique en faisant fi de tous les préjugés, parce qu’elle estimait que ce serait bon pour moi. Ma mère a toujours voulu libérer ses enfants de tout carcan. Cela m’est resté. Je ne veux pas être cantonné dans un genre. Quand je joue en province, ici, en France, il arrive que des gens viennent toucher ma peau comme pour s’assurer de la véracité de ma couleur. Un jour, on m’a même demandé de ne pas parler français, parce que cela ne faisait pas assez africain. Je refuse tout cela, je refuse d’être l’Africain de service dans un festival !

Isabelle Maurer et Appoloss Diaby : 2 voix pour les sans voix.

PM :  tu es considéré comme un précurseur en matière de zouglou, notamment, mais tu as évolué vers ton propre style. Peux-tu nous retracer brièvement ce chemin ?

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  • A l’origine, le Zouglou est une musique d’ambiance improvisée dans les quartiers et qui se jouait dans les fêtes, les écoles, sur les stades. Elle a introduit l’urbanité dans la musique traditionnelle en remixant des thèmes connus et en proposant d’autres paroles. Le Zouglou a notamment traduit l’exaspération des étudiants des années 89 sur fond de crise. Là, cette musique a basculé vers un engagement.  Mais cela ne me suffisait pas, moi, je voulais créer mon identité artistique propre avec des gens de tous horizons. Je considère que pour faire changer les choses, moi, j’ai besoin des autres, quels qu’ils soient et j’ai toujours travaillé aussi avec des gens plus âgés que moi. Je n’ai pas de préjugés. Cela vient de ma famille et puis, à Treichville, ma ville de naissance, j‘ai grandi avec des Marocains, des Syriens, des Libanais. Enfin, en passant par la musique, j’ai rencontré le monde. Je suis donc ouvert à tout et j’apprends tout le temps.

PM :  ton dernier single, Les Sans-Voix, est sorti le 17 octobre ; comment et pourquoi est né ce projet ?

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  • J’encaisse de moins en moins le fait qu’en France, les êtres humains ne se regardent plus. Pourtant, la déchéance du voisin, c’est notre déchéance. On ne s’en rend pas compte, mais c’est nous qui mettons l’humain à mal. Mais que faire ?

Un jour, en regardant une émission, je vois une dame qui parle avec Jean-François Copé de la pauvreté. Elle dit des choses vraies, concrètes. Elle parle de ce dont on a besoin. Cette dame m’a touchée. C’est comme ça que j’ai rencontré Isabelle Maurer et l’Archipel des sans-voix et qu’on s’est dit « mais pourquoi ne pas faire une chanson ? » C’est comme cela que le projet du CD est né. Le CD est en vente sur le site https://www.helloasso.com/ et sur les plateformes de téléchargement, pour chaque Cd vendu, 1 euro sera reversé à 5 associations qui luttent contre la précarité.

PM : quels sont tes projets à venir et y a-t-il une chose que tu voudrais dire aux lecteurs de Pluton en particulier.

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  • Je travaille sur un projet de double-coffret dans le but de partager à la fois choc esthétique et émotions. Après, je ne veux pas être lourd, chacun a son histoire, mais je souhaiterais que les lecteurs cessent de ne regarder qu’eux-mêmes. S’il vous plaît, ouvrez les yeux !

Et de conclure dans un grand sourire :

  • Tant qu’on parle de musique, on parle d’humain, on parle d’amour !

Liens et discographie  à retrouver sur DEEZER :
https://www.deezer.com/search/Appoloss

Itunes, Apple.com, et sur son site www.appoloss.fr

Et sur sa chaine Youtube, dont son interview donnée à Télésud :

Dernier clip : « Viens danser la bourrée » https://www.youtube.com/watch?v=EOYHfV9Yfoc

ASSOCIATION TREICHVISION – La musique solidaire -24 Rue du moulin 69530 Brignais, Tél (+ 33) 683 354 560 – treichvision@gmail.com

Tant qu’on parle de musique, on parle d’humain, on parle d’amour ! »

1 comments

J’ai vu ton interview,toutes mes excuses mais tu nous as toujours caché ce talent fou,sincèrement je suis fière de toi et fier de tout ce que tu fais.Bon vent pour la suite de ta carrière.Depuis tu as été passionné de musique quand on était au collège dans les années 80 et maintenant tu t’épanouis,bravo champion,bravo Appoloss

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