Ralentir la croissance, un enjeu nécessaire ?

Par Georges Cocks

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Mais pourquoi veut-on toujours croître ? Pourquoi faut-il toujours produire plus demain qu’hier ? À qui cela profite-t-il ? On l’a déjà entendu : croître à l’infini dans un monde fini est une absurdité monstrueuse et un suicide planétaire. Mais pourquoi les choses ne changent-elles pas alors qu’on met en place des statistiques et des notions comme celle du jour du dépassement ?

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Parler de jour de dépassement revient à parler de la notion de temps. Le temps qui passe a profondément modifié l’espace et l’homme lui-même. Nous souffrons de cette addiction à un système où tout doit être fait immédiatement et rapidement. Le système dans son entier est dans une accélération généralisée suicidaire et l’économie tient les rênes. Cette course à la croissance est néfaste. Elle détruit physiquement et moralement la vraie nature de l’homme. Elle détruit l’environnement, la grande maison naturelle qui offre protection et vie à l’humanité mais aussi à toutes les autres formes de vies animales et végétales.

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Accélérateur au plancher

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Nous sommes devenus les as du volant mais nous sommes loin d’être des pilotes chevronnés. Nous sommes des chauffards sans expérience et nous avons le plus grand mal à apprendre de nos erreurs. Nous circulons sur des routes dont nous ne connaissons ni les courbes ni les lignes droites. Il faut accélérer toujours, encore et encore plus vite et ne garder aucune chance de se faire dépasser. Cela entraîne plus de capitaux, certes, mais à quoi sert un capital si la vie nécessaire pour l’utiliser ou le milieu où il sera partagé est endommagé ? Pourtant, nous savons tous pourquoi les catastrophes naturelles sont de plus en plus violentes (ouragans, inondations, fonte des glaciers…). Depuis des dizaines d’années, nous nous contentons d’établir des statistiques comme pour dire : nous allons traiter le problème, ne vous inquiétez pas… Des promesses de campagnes électorales qui ne servent qu’à flatter l’électorat. Le modèle de développement économique ne convient plus à notre monde. Nous accélérons inéluctablement vers un gouffre et ce modèle demande d’accélérer encore plus vers ce trou. C’est de la folie ! Nous accélérons alors que nous voyons que cela se passe mal. Aucun automobiliste n’accélère quand il voit le danger. Bien au contraire il freine, et pourquoi faisons-nous le contraire ? Il y a comme un illogisme à cela.

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Tout faux

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La modernité ce n’est pas d’aller plus vite, c’est d’avancer avec plus de sagesse. C’est de faire avancer les idées et non la consommation. Des idées qui ne répondent à aucune loi économique. D’ailleurs les termes économie ou économique pourraient bien être contradictoire. La forme économique actuelle ne préserve rien. Elle est responsable d’un gaspillage alimentaire, énergétique… et d’une pollution démesurée à l’échelle mondiale. Notre société moderne n’est pas tournée vers de l’homme ni vers son environnement. Elle a juste besoin que notre temps s’adapte à son slogan : le temps, c’est de l’argent, mais le temps c’est plutôt la vie, quoi que l’on dise.

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Moins vite

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Le temps qu’on nous vole et qu’on nous injecte par la suite à coups de loisirs de toutes sortes ne peut remplacer les corps esseulés, déprimés, stressés… par le rythme effréné de la vie actuelle. Nous ne prenons pas le temps de vivre. Nous vivons par procuration économique une vie où l’on satisfait nos envies en accaparant des biens inutiles. Une jouissance spontanée et éphémère comme celle d’un chien qui joue à lancer la balle avec son maître. On va chercher, puis on revient inlassablement.

La société financière a besoin d’accélérer, car si elle s’arrête, tout s’écroule comme un château de cartes. Mais si elle s’arrêtait, demandons-nous : est-ce que les arbres vont mourir ? Y aurait-il encore de l’eau ? L’oxygène sera-t-il rare ? Est-ce que plus rien ne poussera dans le sol ?

Le discours économique qu’on entend ronronner depuis toujours a fait son chemin. Il a bien implanté en nous la peur économique et nous utilise indirectement comme des appâts. Nous sommes les contribuables économiques car nous vivons dans la crainte de perdre nos biens, notre travail… C’est une illusion bien bâtie. Tout a été fait pour que cela se passe exactement ainsi au moindre incident économique.

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Ralentir l’économie

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Si nous répondons aux quatre questions précédemment posées concernant l’impact de l’économie sur notre environnement, il est clair que tout ce dont l’homme a besoin pour vivre ne disparaîtra pas si la croissance devait ralentir. La crise Covid-19 de quelques mois a eu un impact bénéfique sur la nature et la qualité de vie de l’homme. Le seul bémol était cette peur économique, comme nous l’avons évoqué, ainsi que le confinement forcé pour lequel nous ne sommes pas conçus. Ce ralentissement a eu pour impact désastreux la fermeture d’entreprises et la destruction d’emplois. Est-ce une raison pour justifier cette accélération sans fin ? Non. La situation démontre que tout cela est tout simplement néfaste.

La compétition entre pays, entre enseignes, entraîne la logique d’accélération. Tous ces items (PIB, PNB, CAC…) contribuent à maintenir des comparaisons et à imposer la norme de la croissance absolue. La croissance économique va à l’encontre des promesses de modernité. D’un côté nous avons des avantages et de l’autre côté les inconvénients génèrent des impacts profonds dans le tissu social et l’équilibre de toute une société. Nous avons suffisamment de biens de consommation et nous pouvons même faire le tri pour en éliminer certains qui seraient néfastes pour la santé et l’environnement, et il en resterait encore un nombre important.

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Les grands gagnants

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Le système financier, les banques, les grandes industries… sont les gagnants et les responsables du déclin chronique engagé de la planète. On accélère le temps. Cette distorsion temporelle est incompatible avec une logique d’horloge et la notion même de la mort. Il faut engranger avant de mourir, mais pourquoi ? Tout ce que nous pouvons faire ou acheter se trouve ici-bas, et pour satisfaire ces égo démesurés il faut leur créer des biens à la hauteur de la bêtise humaine. En réalité, est-ce que ce bien a autant de valeur qu’on veut le fait croire ? Un yacht qui coûterait des milliards contre un chalut avec une usine de transformation à son bord qui produit du travail, qui passe la haute mer, dont la structure est bien plus solide ; il faut s’interroger. Nous avons créé le luxe idiot. Nous avons créé un ensemble d’institutions qui nous répètent sans cesse que la cupidité est une bonne chose, l’égoïsme aussi. Il faut sortir se divertir, consommer, c’est la vie !

Mais la réalité sociale montre que nous sommes dans une décélération globale où nombre des gens ne peuvent pas vivre avec des revenus moyens, et pourtant la tendance économique est contradictoire. On ne cesse de proposer encore plus de biens périssables, une obsolescence qui crée du gaspillage, des ordures… Une voiture a pour objectif de faciliter le déplacement, a-t-on besoin de tant de modèles ? La fonction économique est–elle vraiment liée et répond-elle vraiment au besoin initial de l’homme ? Nous avons tellement de choix que nous ne savons pas où tourner la tête et en finalité, on a toujours l’impression d’être lésé parce que l’industriel proposera rapidement un autre produit et nous nous retrouverons avec un modèle démodé.

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Et nous ?

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Considérons-nous honnêtement notre impact à toutes les échelles ? Achetons-nous sous influence ou par besoin ? Il est vrai que nous n’avons pas toujours le contrôle sur certaines de nos actions, mais d’autres sont à notre portée. Certaines villes du monde sont exemplaires comme Bristol la capitale verte de l’Angleterre. Le monde que nous allons laisser à nos enfants est une belle arnaque. Mais comment eux voient-ils les choses ?  Les manifestations pour le climat rassemblent de jeunes militants à l’image de Greta Thunberg. Mais si ces jeunes veulent d’un monde meilleur, ils ne sont pas si exemplaires dans leur action, comparés aux vieux dinosaures que nous sommes et qui sont responsables de la situation actuelle du monde. Friands de technologie, ils veulent toujours le dernier modèle qui arrache à la terre des ressources de plus en plus rares. Toujours connectés et toujours branchés à la prise de courant, peu d’entre eux mettent en veille leur appareil. Interrogés sur l’ordre des priorités de ce qui leur est essentiel, ils mettent d’abord les loisirs en avant. Sont-ils prêts ? Une chose est sûre, ce sont eux qui auront la lourde tâche de bouleverser le système et de mener la révolution qui s’impose.

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Stop

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L’économie ne pourra jamais s’arrêter, c’est impossible et c’est rassurant à la fois. Par conséquent, on peut ralentir la dégradation de notre environnement et la croissance si nous le voulons vraiment. Les gouvernements qui ont les leviers forts qui peuvent marquer rapidement le changement ne veulent rien faire. Ils ne le feront pas non plus. L’accélération a déjà causé des pertes en vies humaines, en destruction de la nature et en incertitude du lendemain. L’homme a perdu sa raison d’être. Le système a changé l’être humain en moins bon. Il a développé chez lui des défauts qui ont étouffé ses qualités propres et innées. Il suffirait qu’ils reviennent dans son ensemble à ce fondamentale pour infléchir le mal.

De nombreuses personnes dans le monde refusent le concept économique actuel en adoptant des comportements plus écologiques et non économiques. Ce n’est pas l’aspect financier qui compte. Ils réalisent ainsi la vraie économie pour la planète et pour eux-mêmes. Ils se sentent plus utiles et moins bêtes en produisant leur propre nourriture que d’aller traîner dans un supermarché acheter des légumes morts.

Nous devons apprendre à donner de nous-mêmes sans attendre de paiement en retour. Le volontariat utile pour faire avancer les choses utiles. L’engagement personnel et volontaire donne une satisfaction énorme et un sens à la vie.  Il n’est pas nécessaire de créer des emplois pour tout. On pourrait passer moins de temps devant la télé ou à des loisirs chronophages et se livrer à des activités communautaires pour lesquelles l’État aurait obligation de fournir le nécessaire pour travailler. On pourrait travailler moins pour cette tâche volontaire et permettre de créer plus d’emplois partiels complétés d’actions bénéfiques. Apprendre à réparer et non jeter, partager nos biens rarement utilisés au lieu d’acheter. Devenir solidaire pour renforcer les rapports humains et reléguer la notion d’argent, responsable d’inégalités. En bref, il faut réinventer les formes de vie et notre rapport au temps et à l’argent. On devrait définir notre valeur au temps et à l’argent et non qu’il nous soit imposé. Comme nous le disions, ce sont les idées qu’il faut changer.

 Alors pendant combien de temps encore voudrons-nous accélérer ? Serions-nous en phase de devenir la forme de vie la plus stupide de la planète ? Nous nous faisons beaucoup de tort, car nous vivons dans une désharmonie totale. Nous sommes des êtres naturels et non artificiels mais notre mode de vie n’a rien de naturel. Il faut s’attendre dans quelques années à une bataille farouche à laquelle tous les gouvernements devront faire face parce qu’ils n’auront rien fait et que leurs citoyens ne voudront plus être le joujou de quelques ventriloques et marionnettistes sans scrupules.

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Rédacteur Georges Cocks

©Pluton-Magazine/2020/Paris 16eme

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Écrivain- Éditeur-Poète-Romancier

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