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Par Georges Cocks
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Au sein d’une ruche, des milliers d’abeilles cohabitent et s’entraident pour un seul but commun : la survie de la colonie. La reine, les ouvrières et les faux-bourdons possèdent chacun leurs particularités et doivent alors assumer des tâches bien distinctes. Depuis plusieurs millénaires, les abeilles continuent de produire ce bon vieux bonbon vertueux qu’est le miel, dont nous raffolons tous, sans perdre leur objectif.
Le dictionnaire définit la société comme un ensemble d’êtres humains vivant en groupe organisé, ou encore, un groupe social formé de personnes qui se réunissent pour une activité ou des intérêts communs. La grande question est de savoir : quel est l’intérêt commun de notre société ou à proprement dit des hommes qui la composent ?
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Notre société n’a cessé d’évoluer et chaque évolution s’est accompagnée d’une perte d’humanité conséquente au détriment d’un tissu économique fébrile. C’est ainsi que depuis le Moyen Âge, les relations entretenues entre les hommes d’hier et ceux d’aujourd’hui se sont fortement dégradées avec l’explosion démographique, l’arrivée des nouvelles technologies et les formes de pouvoir qui les accompagnent. La société s’est mise à produire et à légiférer. C’est cette même production et ces lois qui ont fait que non seulement la société, mais le monde au sens physique et naturel s’en trouvent bouleversés.
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Une crise de notre société
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Si notre société se porte aussi mal, c’est parce que contrairement aux abeilles, nous n’avons pas défini un objectif commun universel qui prenne en compte la dimension humaine dans son ensemble. Nous avons de multiples objectifs mercantiles à courts et longs termes, qui puisent leurs ressources dans notre capacité d’adaptation et où les forçats n’ont pas tous une rétribution équitable. Nos lois ont beau prôner l’égalité mais cette égalité n’existe pas. Violence, insécurité, chômage, pauvreté, pénurie alimentaire… pourquoi n’avons-nous pas pu enrayer tout cela depuis le temps que cela dure et se répète inlassablement ? La réponse est simple : parce que la crise de notre société est le résultat d’un mal-être économique. Notre économie étant instable et incertaine, elle a besoin en permanence d’être révisée, renouvelée, d’être remise sous perfusion sans jamais atteindre une stabilité à très long terme. Elle se périme vite. Et quand cela arrive, on perd de l’argent et l’objectif est de faire du chiffre d’affaire quoi que cela coûte et même si on fait déjà plus que ce qui est nécessaire.
Au contraire de l’abeille, tout le monde n’a pas un travail alors qu’il est possible que cela soit le cas. Donc forcément le voleur, le dealer… commettent des larcins parce qu’on leur a soustrait l’outil de satisfaction des besoins : le travail, et il faut qu’ils vivent. Pire encore, ils n’ont pas de ressources conséquentes mais ils sont aussi sous l’influence publicitaire qui les pousse à la consommation. La corrélation est à peu près similaire dans tous lesdits problèmes sociaux.
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L’intérêt commun partagé
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Nous le savons tous, le maître mot et le mot de la fin est toujours le même : l’argent ou l’économie. Responsable de nombreux maux et aussi responsable de la non-réalisation de nombreux projets nécessaires et salutaires pour la planète (causes écologiques), ou pour un groupe (causes humanitaires), l’argent est devenu l’ennemi public numéro un qui nous conduit tout droit à une catastrophe sans précèdent qui menace la vie. Nous avons tous été conditionnés pour devenir dépendants de cette nouvelle drogue. Elle est présentée comme la seule alternative sociale. Sans argent, nous finissons dans la rue, nous devenons des sans- abris, même les parents utilisent ce slogan pour dire à leur enfants que s’ils n’apprennent pas à l‘école ils finiront dans la rue.
Nous avons tous besoin d’argent. Mais ce n’est qu’une pure invention. L’argent n’existe pas dans la nature, du moins sous la forme que nous lui donnons. On ne meurt pas parce qu’on n’a pas d’argent. On meurt parce que le système ne nous vient pas en aide quand on n’a pas d’argent.L’intolérance créée par le système économique crée dans la société humaine des comportements sociaux négatifs comme l’égoïsme, le manque de patience, l’indifférence… Les qualités comme la gentillesse, la politesse, l’altruisme, le partage… tendent à se raréfier. L’argent est devenu le facteur et le but commun des hommes. Il renforce les barrières néfastes que cause la distinction entre les classes sociales. La pauvreté n’a comme seul maître responsable : l’argent dont elle devient l’esclave.
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Société humaine ou pas ?
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Globalement certains diront oui. On sourit, on s’amuse, on boit, on mange… on est heureux ensemble. Nous avons même créé des organismes non gouvernementaux pour venir en aide aux plus démunis et des associations en tous genres. Mais on pourrait se demander si ces nombreuses formes d’aide ne sont pas une lacune évidente de notre société, qui reflète son incapacité à fournir une aide à tous ses citoyens sans exception. Dans cette parodie sociétale certains citoyens vivent sous une forme de dictature en comparaison aux libertés dont jouissent les autres citoyens d’autres pays. Certains gouvernements répriment, imposent des contrôles drastiques, font interrompre les réseaux de communication pour contenir les informations. L’humanité au sens propre du devoir qu’est-elle devenue et qu’est-elle réellement ?
Le sentiment juste d’être compris et de se sentir protégé en tant que citoyen est pour certains complètement inexistant. Enfants comme adultes, partout, sont exclus pour toutes sortes de motifs. Les gouvernements ont le plus grand mal à combler ce vide. Mais ce n’est pas leur souhait, ne nous leurrons pas. Il s’agit encore d’une question de statistiques. Il faut toujours un pourcentage acceptable de situations inacceptables. Ce seuil est fixé en fonction de quel critère ? Et pourquoi ce seuil devrait-il exister si tous nous sommes censés avoir les mêmes droits à la naissance ? Tout est évalué selon des critères de comparaisons mondiales entre pays. Mais c’est aussi la preuve évidente de l’incapacité d’enrayer les problèmes fondamentaux de l’homme comme le manque de nourriture et le logement pour ne citer que ceux-ci.
Les grands bouleversements qui affectent les conditions humaines de la vie fractionnent la société. Leurs impacts sont si importants que certains effets sont parfois irrémédiables voire même fatals tant pour l’homme que pour son environnement, ce qui va contribuer à aggraver la situation.
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Amplification de la discorde
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Comme nous sommes frappés par une crise sanitaire aujourd’hui, les autres problèmes de notre société semblent être relégués ou sont devenus moins graves. Citoyens et gouvernements rentrent dans un bras de fer où l’humain semble être écarté alors que le martèlement médiatique a l’air d’aller dans le sens de la santé pour tous. Certains n’y voient qu’un déguisement économique pour renflouer les caisses du gouvernement, tandis que d’autres s’inquiètent des conséquences dans certaines professions stigmatisées au sein desquelles des hommes, des femmes et des enfants dépendent de ces sources de revenus. La gestion de la crise par les gouvernements n’est pas la même partout pour le même problème rencontré. Pourtant, il pourrait y avoir une variante humaine sur la réussite et l’échec des uns et des autres. Le comportement des individus serait-il lié au cadre de vie, à la façon d’être dirigé, ou à une discipline collective vers une prise de conscience en faveur d’un but commun ? Une petite analyse des pays où il fait bon vivre, où la longévité s’installe, où l’éducation scolaire est centrée sur le développement du collectif, où le taux de criminalité est bas, où la transparence salariale existe, ainsi que certaines libertés, où l’écologie est un vrai engagement…. permet de comprendre pourquoi les sociétés ne sont pas pareilles et les résultats non plus.
La religion, la politique, la couleur de la peau… à elles seules entretiennent un perpétuel feu anarchique qui rend parfois impossible la conciliation en dépit de tous les efforts. Il y a toujours une étincelle : quelque chose ou quelqu’un pour rallumer le feu de notre honte légendaire.
La société moderne ne fait pas l’unanimité depuis très longtemps dans les rangs des sociologues, humanistes et politologues, essayistes et autres. On remarque souvent que certains scientifiques deviennent des penseurs humanistes parce que la science a toujours une terminaison par combinaison contrairement à la capacité propre à l’homme d’énoncer des schémas multiples. Il en sort du bon comme du mauvais. Mais c’est la capacité du bon qui reste la quête universelle, car elle seule garantit un but et un intérêt collectifs pour une société consciente qui cherche à s’élever, se protéger, pour subsister. La société n’a cessé de se rechercher au fil du temps. Elle vise toujours un futur. Serait-elle victime de sa non-maîtrise du temps ?
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Rédacteur Georges Cocks
©Pluton-Magazine/2020/Paris 16eme
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Par Georges COCKS
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