Les réseaux sociaux : vers une mort cérébrale de l’humanité

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Par Georges COCKS

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Les réseaux sociaux sont comme des couteaux. Bien utilisés, ils peuvent promouvoir, faciliter les échanges, les rencontres, relier les familles distantes pour un coût qui n’est pas gratuit, mais dérisoire, et peuvent offrir des échanges de longues durées, à n’importe quel moment de la journée. En les détournant de l’objectif initial de leur créateur, (dont nous resteront prudent et septique) ils peuvent s’avérer redoutables de maux irrémédiables jusqu’à entrainer la mort. Enfants et adultes en sont les victimes. Nous connaissons déjà le harcèlement, la cybercriminalité, la pornographie et bien d’autre dérives encore. Mais la flambée du nombre de consommateurs de ces réseaux qui dépassent parfois les populations de certains pays, et le comportement ce derniers laissent interrogatif. Cette addiction effrénée entraine une utilisation bête, sans réflexions, sans jugements ou tous croient qu’ils sont les plus beaux, les plus forts, les plus intelligents… mais qu’en est-il réellement ?

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Un abrutissement spectaculaire

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Il suffit de parcourir pendant dix minutes son fil d’actualité, la story de ses amis, les chaines de bêtisiers ou l’on publie des débilités censées faire rire dont il n’y a rien a de ridicule sauf un rire complètement stupide et mécanique qui agace à la première tonalité pour se rendre compte du contenu de la plupart des publications. Les gens rient de chutes violentes, dangereuses, quasi mortel. Nous sommes très loin des vidéos gag des années 90 ou toute la famille se tordait sympathiquement les tripes dans des fous rires, des larmes et des hoquets interminables. Ils partagent sans fins ces vidéos imbéciles qui finissent par faire le tour de la terre en un temps record. Ils croient tout ce qu’ils voient et entendent. Certains ne sont même pas capable d’identifier le vrai du faux et s’intelligentent de fakes. Des informations erronées dont ils se nourrissent et qui deviennent pour eux une connaissance solide qu’ils partagent comme un virus. L’infection est forte et pernicieuse chez tous ceux qui n’ont pas pris l’habitude de chercher ou vérifier ce qu’on leur recrache. Ils s’en remettent aux autres. Ce sont les victimes des premières lignes dont il n’y a plus grand-chose à espérer. Il est fort de constater qu’échanger des points de vue tourne rapidement à la catastrophe.

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Les algorithmes

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Eli Pariser, militant internet américain, nous a familiarisé avec ce concept, qui désigne à la fois le filtrage de l’information opéré par les algorithmes sur base des prédispositions des internautes et « l’état d’isolement intellectuel et culturel dans lequel l‘internaute se retrouve quand les informations qu’il recherche sur l’internet résultent d’une personnalisation mise en place à son insu ». Enfermé dans sa bulle, l’internaute ne disposerait plus que d’informations dites « pertinentes » c’est à dire susceptibles de l’intéresser ; il serait renvoyé sans cesse, comme dans une chambre d’écho, aux mêmes opinions et croyances colportés par les réseaux sociaux souvent sur base de rumeurs et de mensonges avérés. In fine, il perdrait la capacité d’accepter la pluralité des choses – en psychologie, on parle de « tolérance de l’ambiguïté » – et tout esprit critique.

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Un besoin qui en dit long

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Chacun est libre de ses publications dans le respect des règles fixées par les fondateurs de ces réseaux. Mais en analysant certaines publications en profondeur, elles sont révélatrices d’un mal être social déguisé et banalisé sur une plateforme dont, finalement, personne ne prend au sérieux quoi que ce soit, ce qui est tout de même paradoxal. L’étalement de sa vie privée, de ce qu’on mange, de ce qu’on fait, de sa famille, de ses sentiments… dénote un besoin de visibilité, de reconnaissance peu importe de qui cela peut venir, et le nombre de likes vient récompenser la publication et fait germer le contentement. Ils l’ont reconnu ouvertement, les fondateurs, le tort que provoque la dépendance à leurs réseaux dites sociaux. Ils interdisent à leurs enfants de s’ouvrir des comptes, n’y a-t-il pas comme une grosse anguille qui peine à se faufiler sous une petite roche ? Cette recherche de reconnaissance réduit la confiance en soi, fragilise les individus, modifie le caractère, et le pire, c’est de prendre des décisions importantes pour soi portant sur l’avis de personnes qui ne nous connaissent pas réellement. Les réseaux sont de vrais sarcophages ou tout le monde cache ses défauts. On ne parle et ne présente que ses qualités. Chacune de nos publications est sélectionné pour plaire et être approuvé. Mais parfois on ne vit comme le corbeau et le renard au détriment de l’image des autres. On cultive ainsi le mythe du partage comme des panneaux publicitaires le long de la route. Un mur stérile sans une conversation ni même d’interaction, une perte de temps considérable.

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Le temps perdu, une mine d’or

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Alors que nous avons des problèmes cruciaux à régler qui menacent même notre existence, les réseaux nous endorment sans que l’on puisse en prendre conscience et agir. L’arrivée des médias sur ces plateformes n’arrange en rien la situation, bien au contraire. Bien que la défiance envers les médias bizarrement soit de plus en plus grandissants, notre comportement reste incompréhensible. Pourquoi les individus partagent ces contenus dont les commentaires sont en parfait désaccords. Cela enverrait un message fort. Les internautes se mènent la vie dure avec des échanges parfois irrespectueux, haineux, des inepties au-delà de l’incompréhension. Ces forums où on perd son temps à échanger et nous manger entre nous favorisent la dégradation de tout, car, au lieu de manifester sa colère contre les systèmes économiques et politiques, notre force de gueuler, (puisque c’est comme cela que cela se passe) reste inopérante et ne change rien la situation alarmante du monde. On se soulage si vite et facilement, et on se contente de cela. La grève, les manifestions, les soulèvements sont ainsi évités ou prendront une forme moins virulente et cela est bon pour ceux qui sont censé nous rendre des comptes pour leurs actes parfois criminels. Les médias ne jouent plus leur rôle d’informateur objective. Ils deviennent la vitrine des pouvoirs politiques et ne contestent pas les demi-vérités ni les mensonges. Ils la distillent sans aucune contrition, une honte même à la profession d’investigation que se veut le métier de journaliste.  Ils contribuent eux aussi rendre viral le crétinisme dans une large mesure à une vitesse folle.

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Une forme de divertissement ?

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Le temps passé à faire défiler des informations sans intérêt sur les réseaux nuit fortement. On a tous les yeux rivés sur ce petit écran où que l’on soit. Il nous fait du bien, il occupe le temps d’attente, c’est notre ami préféré, il prend le temps d’un bon livre, ou d’un magazine d’un choix, ou tout simplement d’une bonne conversation avec l’inconnu qui partage notre environnement immédiat. La relation virtuelle tue la relation sociale, la plus fondamentale pour l’évolution de l’homme. C’est au contact que l’homme à fait ces plus grandes prouesses en dehors de notre ère de la technologie et on cherche toujours à comprendre comment il y est parvenu. Ne devrait-on pas s’interroger ?

Le mécanisme social est très puissant. Il décode instantanément tous les signaux et toutes les informations liées à l’environnement ; ce que ne peut faire aucun réseau à ce jour, même avec le son et de l’image de la plus haute qualité qui soit.  Se détendre en saine compagnie avec des amis ou de la famille rend plus heureux et contribue à un bonheur durable et soude des amitiés durables. Les individus demeurent vides, isolés et malheureux avec leur millier d’amis et leur innombrables comptes de réseaux dont ils sont devenus les esclaves. Ils doivent constamment nourrir les bêtes sans quoi la bête tombe dans le désintéressement total.

Les influenceurs sont devenus les mini dieux de l’absurde. Ils drainent des fidèles par centaine de million. Ils sont eux même aveuglé et entrainé dans une spirale dont ils sont la base conique, aspirant comme une tornade tout ce qui est léger, qui manque de lucidité et un peu de sens critique. Le culte du beau photoshopé, du luxe, et de la vie facile tout le monde rêve. Un rêve se fait toujours endormi ne l’oublions pas. Donc pour rêver il faut endormir les gens et nous avons trouvé le moyen idéal de le faire. La nouvelle génération Z en sont les premières victimes. Victime de cette arnaque à grande échelle perpétrer pas des adultes est une honte. Ils passent des heures à regarder des vidéos incultes, à lire et véhiculer des informations erronées et croire tout ce que leurs idoles veulent leur vendre. Ils sont l’avenir de l’extension de l’abrutissement qui sera tout simplement un virtuel normal. Nous avons créé le caisson parfait qui nous prépare à l’acceptation d’un monde régie par l’IA. Seuls quelques irréductibles Gaulois feront entendre la voix, sans succès, et la couveuse pouponne déjà ses bébés, formatés, dénués de raisonnements ; ils ne songent plus à penser. Seule la matrice donne l’idéal tandis que les bâtisseurs de cette supercherie profiteront des derniers plaisirs simples de ce monde qui aient un sens véritable dans l’équilibre de l’homme et sa croissance intellectuelle.

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Rédacteur Georges Cocks

©Pluton-Magazine/2022/Paris 16e

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Par Georges COCKS
Écrivain- Éditeur-Poète-Romancier

Eli PARISER, The Filter Bubble: What the Internet Is Hiding from You, New York, Penguin Press, 2011.

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