L’optimisme : gardien du chaos ?

.

Par Georges COCKS

.

Être optimiste serait-il en passe de devenir un défaut qui pourrait faire courir l’humanité à sa perte ? Cela semble contradictoire si on considère la définition de ce mot comme étant une doctrine philosophique qui soutient que tout ce qui existe est le mieux possible, ou ordinairement, c’est avoir une certaine disposition à voir les choses en beau, à ne pas s’inquiéter des embarras présents et à bien augurer de l’avenir ; dans une circonstance particulière, de voir les choses prendre bonne tournure. Dans une certaine mesure, l’optimisme nous permet d’avoir des relations de vie saine avec nos proches et notre entourage et de créer un environnement social de confiance dans une commune mesure. Cela est bénéfique. Mais peut-on affirmer avec certitude que ce point de vue reste valable et applicable à toutes les situations et quelles en seraient les conséquences ?

.

Un puissant allié

.

Nous pouvons dire que notre époque est l’un des plus remarquablement évoluée. Nous avons fait des prouesses étonnantes qui dépassent l’entendement. Nos inventions n’ont jamais été aussi folles et nombreuses. Le ciel est venu à nous et nous ouvrons la fenêtre de l’univers pour voir ce qu’il s’y passe. Malgré toute cette innovation et cette grande conquête, nous buguons lourdement sur la capacité à prendre des décisions urgentes concernant notre habitat Terre. Nous pensons à première vue qu’elle se meurt. Non bien au contraire, comme un cancer c’est elle qui nous tue. Elle se débarrasse de nous en réaction violente aux incessantes agressions que nous lui infligeons. C’est là que rentre en scène notre puissant module psychologique réglé depuis l’enfance et martelé en permanence : l’optimisme. Nous supposons que si le déni persiste autant, c’est probablement parce qu’un certain groupe d’individus influents auraient compris qu’ils pouvaient exploiter cet état du moi du genre humain comme une dopamine à l’infini car elle inhibe la capacité à prendre conscience de la réalité. De ce fait, nous croyons toujours que demain sera meilleur même si dans les jours et années précédents, le pire a toujours été à son ultra paroxysme. Nous faisons confiance aux promesses qui ne se tiennent jamais surtout quand elles sont d’abord émises par celui qui veut nous maintenir dans cette léthargie pseudo intellectuelle.

.

L’inaction

.

Téléguidés par cette mauvaise forme d’optimisme généralisée mondialement, nous ne prenons plus en main notre destin. Nous l’avons conféré aux institutions politiques qui nous proposent des programmes alléchants et compte tenu du fait que nous n’avons ni moyens ni pouvoirs de le faire par nous-mêmes, tout naturellement, nous nous en remettons à eux quand bien même il y aurait des doutes. Mais n’est-ce pas là le but de l’optimisme ? Ces doutes sont si faibles que les signaux émis peinent à réveiller la conscience. Si on ajoute à cela notre zone de confort idéal, ce cocon composé de toute cette technologie qui nous assiste, nous finissons par tomber dans une forme d’insensibilité extrême. Les problèmes que rencontrent les autres nous laissent indifférents. Mais le grand danger est que ces mêmes problèmes viennent nous menacer aussi et nous les minimisons.

Nous sommes folâtres devant d’autres préoccupations mineures, et devant un mécanisme de contrôle par les divertissements et l’asservissement qui nous fait  reculer, voire oublier le problème.

.

Le nouveau réalisme : la réalité

.

Il est vital d’être réaliste pour ne pas s’exposer au pire et garder une chance de s’en sortir bien ou avec peu de conséquences désastreuses. Mais alors, pourquoi manquons-nous si souvent de réalisme ? Pour trois raisons : par ignorance, par erreur de jugement ou par refus du réel. L’optimisme nourrit ces trois raisons. On ne cherche plus, il est devenu plus facile de croire. Avec la forme de pensée unique qui nous est dictée, nous manquons de lucidité et d’objectivité dans nos jugements. Et enfin, pour reprendre la pensée initiale car elle est très claire : par refus du réel.

Nous avons parfois conscience que tout va mal et pourtant nous ne réagissons pas, pourquoi ? Parce que le fil d’ariane relié à l’optimisme n’est pas rompu. Seul le réalisme est capable de changer la pensée et de la reconnecter à la réalité. Illustrons ce propos : un pneu de votre voiture  crève à 30 mètres de votre maison. Votre jugement optimiste vous permet de rouler doucement jusqu’à chez vous sans que vous abîmiez votre jante. Mais si la panne survenait à 5 km, quelles en seraient les conséquences ? Avec beaucoup d’optimisme, vous arriveriez sans doute à destination, mais avec quels dégâts ? Le bon jugement de la situation, assis sur une connaissance des risques et des dégâts, fait accepter la réalité : il faut changer la roue ou faire intervenir un dépanneur.

C’est ce qu’il nous manque globalement pour réduire notre impact destructeur sur notre habitat et travailler à la durabilité et non à l’éphémère. L’optimisme nous fait croire aux promesses quant au climat, par exemple. La réalité, c’est que les pôles sont réduits à peau de chagrin par une destruction amorcée il y a des décennies. La prise de conscience est faite mais les mesures sont en dessous des moyennes pour ralentir ou infléchir le mal. Si nous voulions réellement changer la donne, les mesures à prendre nous coûteraient en effort et en manque à gagner économiquement, comme changer le pneu (l’effort) ou payer le dépanneur (50 euros en moins dans le porte-monnaie). Sauf que la nature ne porte pas plainte contre nous, elle n’est pas en justice, elle ne crie pas, même quand on l’éventre, alors on continue impunément à entraîner son agonie.

.

Un bon gardien

.

Nous ne sommes pas dans une finale de la Coupe du monde, mais bien dans une finale où il est urgent de remplacer le gardien et d’agir sans tarder. Ce protectionnisme que confère notre optimisme candide aux acteurs engagés dans une mission de protection générale des intérêts de la planète nous empêche de réclamer des comptes. Nous assistons impuissants à l’avancée du rouleau compresseur financier qui ne cesse de creuser des inégalités et ne résout pas, voire ne limite pas les grands problèmes majeurs. L’argent se fabrique à volonté mais notre héritage vital ne sort pas d’une usine dont on peut multiplier la cadence pour atteindre un objectif fixé. La complexité et la performance de la planète et ses ressources créées sur des millions d’années sont ruinées depuis la révolution industrielle. En l’espace de deux siècles, nous avons scarifié sans panser et sans penser que nous courions à notre perte.

On ne peut s’empêcher de se demander si cette mise en scène théâtrale, telle qu’on la voit aujourd’hui, aurait vraiment vu le jour,  si tout cela avait pu  être caché aux citoyens. La création de ministères écologiques n’est qu’une fausse façade de tournage d’un très mauvais film truffé d’effets pour nous éblouir. Nous voulons préserver l’intérêt économique au profit de la vie comme s’il était le plus important. Nous ne voulons pas revoir nos échelles de valeurs et ses critères devenus obsolètes et inefficaces et qui prouvent ouvertement qu’elles ne sont bonnes à rien, sauf à défendre la croissance vertigineuse du pire. Nous avons tout aujourd’hui, mais à quel prix ? il y a 500 ans, l’homme avait moins, pourtant il n’a pas disparu, et nous, avec beaucoup, nous ne préservons rien. De nombreuses espèces animales et végétales ont disparu et la menace plane maintenant sur l’homme, sur lequel on a réussi le plus grand hold-up : le priver de sa capacité de réaction face au danger imminent. Comment peut-on se sentir si puissant alors que la rivalité est entre nous-mêmes ? Nous ne rivalisons même pas avec une autre espèce, nous rivalisons avec notre vie. Il suffit d’avoir un peu de réalisme pour se rendre compte que nous nous affalons nous-mêmes sur notre propre épée et que notre ennemi n’est que nous-mêmes. Nous avons trouvé un nom à cela dans notre langage : une folie.

.

Rédacteur Georges Cocks

©Pluton-Magazine/2022/Paris 16e

Retrouvez tous les articles de Georges Cocks sur Pluton-Magazine

Par Georges COCKS
Écrivain- Éditeur-Poète-Romancier

Laisser un commentaire

*