L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE, jusqu’où ?

Par Georges COCKS

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Comme une foule qui attend le lever du rideau pour les soldes, nous accourons un peu plus chaque jour vers le nouveau maître par une volonté presque pernicieuse et imposée. La machine du monde déshumanise avec une telle subtilité que nous sommes dans un déni total quant à ses effets secondaires auxquels il n’y a aucun remède.

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Contradictoire

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Nous volons au secours de la pollution de notre planète par des mots grandiloquents et des sommets de petite taille et pour nourrir cette intelligence artificielle, nous étendons à l’infini nos hébergements de données partout et en nombre important. Depuis 2013 et bien avant, nous savons que les émissions de CO2 liées à l’internet polluent autant que l’avion. Cinquante millions de tweets émettraient une tonne de CO2. Chaque destinataire mis en copie équivaut à 6g de carbone, or aujourd’hui, les supports de stockages d’autrefois sont de moins en moins utilisés voire ont disparu. Avant, le prix des ordinateurs était fixé par rapport à leurs étonnantes capacité à stocker. Aujourd’hui, la qualité des images et vidéos sature rapidement les 250 gigabytes basiques que l’on retrouve dans nos ordinateurs pour inciter les utilisateurs à se tourner vers ces cloud annonciateurs d’un sale temps pour la planète.

Parce que cette pollution n’est que virtuelle à l’instant T, les politiques ont tendance à détourner notre regard, par exemple, vers la voiture dont la pollution est sensorielle. Nous validons bêtement ce changement de cap au détriment d’autres dérangements dont nous ne savons pas encore les conséquences.

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Une déshumanisation progressive

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La science et les innovations technologiques ont apporté beaucoup à l’humanité. La course effrénée a rompu les garde-fous dont la singularité technologique aurait pu nous permettre de comprendre les effets des actions que nous entreprenons et ne pas tendre vers elles. Avons-nous si peu confiance en nous pour créer le monstre qui risque de nous anéantir demain ?

Nous nous réjouissons de tant de choses, de prouesses et d’ingéniosités que nous offre notre environnement technologique et cela nous rend aveugles. Comment pouvons-nous être fiers de laisser l’intelligence primaire, la seule et véritable, être suppléée par une intelligence artificielle ? Ce terme est drôlement basique et presque futile puisque nous savons tous ce qu’est cette définition (artificielle) et pourtant nous l’élevons au-dessus de nous. Un artifice est une tromperie, une représentation de ce qui n’est pas la réalité. On devrait plutôt se demander : qui veut nous tromper et pourquoi ?

Nous sommes dans une dématérialisation complète de la vie à tous les niveaux. Nous avons entamé la création de nos cyborgs sans recourir à la chirurgie. Les voix contestataires peinent à se faire entendre car la violation de l’éthique est quasi nulle. Nous avons laissé quantité de gestes et de décisions intelligentes apprises et transmises au fil du temps au détriment de la technologie. C’est ainsi que de simples choses comme : savoir si nous avons un pneu à plat, compter notre pouls, arroser notre jardin… sont confiées à un garant un peu particulier qui serait super intelligent. Il suffit de mettre en avant l’argument de sécurité pour que la magie opère lentement et auprès d’un nombre surprenant de personnes à travers le monde.

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Le pouvoir démesuré de l’IA

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Chaque gouvernement possède des lois différentes, pourtant l’IA n’a qu’une loi universelle pour tous. Nous nous y conformons sans réserve. Comme une cerise qui rend alléchant le gâteau, nous voulons y croquer sans qu’on nous l’interdise. Malheureusement, nous ne pouvons pas écarter le fait que cette superbe intelligence puisse être détournée à des fins contre nature. Étant déjà contre nature, le résultat promet d’être d’une violence incomparable contre le genre humain. Notre cerveau puise ses ressources dans notre alimentation, notre environnement, notre éducation… , l’IA se nourrit de data. Nos vies, nos habitudes sont converties en données et ces algorithmes, comme des traders dans la matrice, nous contrôlent en temps réel. En termes de calcul nous ne rivaliserons jamais avec la machine, c’est indéniable. Sa capacité à traiter, à faire des simulations, des projections… dans un temps record nous surprendra toujours. C’est cette ingéniosité qui nous rend tellement candides que nous nous agenouillons, tels des serviteurs devant notre dieu.

La confiance et l’allégeance pourraient nous coûter très cher. La perte des savoirs ancestraux qui s’harmonisent avec la nature et qui contrecarrent le profit économique pourrait être une aubaine pour définitivement enrayer de la mémoire des fondements essentiels de notre vivant. Pourrait-on voir des millions de pages web réécrites simultanément en une nuit sans que l’on puisse contester la véracité de l’information ? Comment la génération future pourrait-elle démêler le faux du vrai, si tant est que l’apprentissage scolaire soit à la main de la technologie ?

Ces questions semblent être tirées par les cheveux mais c’est sans compter que des hommes tels que Theodore Kaczynski, mathématicien de formation, activiste anarcho-écologiste et néo-luddiste, se sont battus contre les dangers inhérents à la direction prise par le progrès. Il voyait déjà une société perdant son humanité et sa liberté pour la majorité sinon pour la totalité de la population. Nous étions encore loin de la conception de l’IA telle que nous la définissons aujourd’hui, même si ce thème de réflexion est tout à fait ancien.

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Un progrès ?

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Certaines grandes voix demandent un break, des pionniers novateurs comme E Musk ou S. Wozniak, le cofondateur d’Apple. Ils qualifient l’IA de cerveau numérique toujours plus puissant, que personne, même pas ses créateurs ne peuvent comprendre, prédire ou contrôler de manière fiable.  Pourquoi ces grands dirigeants pour qui qui l’IA serait une bénédiction veulent faire une pause ? Par pure stratégie, car le développement de leur produit se base essentiellement sur cet artifice.

L’IA est capable de réaliser des faux à la perfection et on pourrait incriminer des personnalités politiques comme on pourrait tout aussi bien leur prêter des valeurs qu’ils n’ont pas. La publication récente d’une interview de M Schumacher par une IA en Allemagne fait grincer des dents. Sans compter le nombre incalculable d’emplois qui vont disparaître. Certains grands groupes font déjà l’inventaire de leur stock avec des drones, bien plus rapides que des hommes.

Le Chat GPT nous rendrait-t-il plus intelligents ou plus stupides ? Si une intelligence nous assiste au point de penser et d’écrire à notre place, avec le temps comment allons-nous analyser la finalité d’un tel compte rendu ? Sur quels critères allons-nous valider ou invalider ses propositions ? Nous serions tellement nuls et dans l’incapacité de savoir si oui ou non telle chose est vraie ou ne l’est pas ? La capacité intellectuelle humaine s’en trouve réduite. Or, c’est nous qui avons alimenté cette banque de données de tout et de n’importe quoi aussi.

Notre erreur est de penser que l’IA est plus intelligente que nous. Rappelons-le, ce sont les hommes qui en sont l’auteur. Sans eux, survivrait-elle comme Alice dans Résident Evil ? L’homme est plus intelligent et le restera toujours. La seule différence c’est que nous ne calculons pas aussi rapidement, et que nous perdons au fur et mesure que nous vieillissons nos capacités cognitives. Nous avons besoins de moins de données pour tirer des conclusions qu’une IA. Nous avons la faculté d’apprendre par l’expérience personnelle et de celle des autres. Le problème aujourd’hui c’est que nous n’avons aucune garantie du bon usage de cette intelligence. Nous l’avons déjà accepté, nous ne pouvons plus faire marche arrière, et qui s’en priverait alors que les autres l’acceptent ce qui entraînerait un retard de croissance économique inéluctable. C’est exactement comme si aujourd’hui il existait un pays sans internet.

Quel gendarme mettre en place pour réguler cette IA quand on sait que la course n’est pas balisée ? Que dire de son intrusion dans la guerre tactique ? L’éthique perd peu à peu sa place et l’horreur pourrait bien la supplanter. L’autonomie de l’IA est déjà réalisée sur certains systèmes informatiques, comment éviter le dérapage généralisé ?

Il faudra éduquer, apprendre à utiliser cette innovation comme nous avons appris à utiliser internet. L’IA va encore plus vite et il y aura beaucoup de laissés pour compte sur le bord du chemin de l’intelligence.

Si nous sommes si intelligents, nous devrions faire de l’IA notre serviteur et non notre maître. Profiter de la vie à moindre coût et proscrire les inégalités. Une machine ne reçoit pas de salaire, elle n’a pas besoin de se reposer, pourquoi l’IA ne servirait-elle pas à améliorer la qualité de vie partout sur le globe, ce qui fait cruellement défaut aujourd’hui ? Nous devrions tendre vers un monde meilleur. Si elle n’est pas capable d’atteindre ce but c’est que ceux qui veulent coloniser la planète entière par ce virus n’ont qu’une seule envie : contrôler la masse. Cette fois-ci, il n’y aura plus d’obstacles ni de failles dans les moyens pour y parvenir. Le divertissement sera la première arme efficace pour nous parasiter et endormir notre cortex qui sera relié à chaque support électronique que nous allons manipuler et regarder. Le grand danger serait que l’IA soit au service de la politique. Le monde que nous n’aimons pas trop aujourd’hui pourrait devenir un terrain de jeu complètement dément et violent, une dictature avec des croisades sans fin. Alors que faire ? Les perspectives restent très minces quand nous savons que nous sommes les adeptes du développement sans anticipation sur les conséquences de nos prouesses. Seul l’avenir nous le dira. Nous voulons aller plus vite, mais pour aller où ?

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Rédacteur Georges Cocks

©Pluton-Magazine/2023/Paris 16e

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Écrivain- Éditeur-Poète-Romancier

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