De Johannesburg (S.A): Rencontre avec Marcus Okitangongo

Par Dominique LANCASTRE

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(Tribune) Marcus Okitangongo est originaire de la République Démocratique du Congo. Depuis quelques temps la violence, contre les immigrés Africains en Afrique du Sud, fait la une des journaux. Une violence à peine croyable dans un pays qui a connu l’Apartheid . Marcus nous raconte son parcours.

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Mon grand frère travaille ici en tant que mécanicien automobile et avait son propre garage à Yeoville, un des quartiers peuplé par d’autres immigrants venant  de partout en Afrique.

Mon frère m’a dit qu’on pouvait créer nos propres  opportunités, car notre pays, la RDC, traverse des insécurités, kidnappings et disparitions des jeunes de part et  d’autre dans tout le pays. C’est ainsi qu’on a décidé que pour la survie, on devait quitter notre pays pour un pays où on aura la même opportunité.

Quand je suis arrivé, on ne connaissait personne, on a passé les nuits dehors pendant quelque mois et j’ai commencé à chercher de petits métiers pour subvenir à nos besoins.

Quelques mois plus tard, j’ai appris la coiffure et je me suis rendu à l’école pour en savoir plus et aussi à propos du diplôme, au cas où on devrait repartir soit chez nous ou dans un autre pays pour survivre.

Le plus dur était de passer la nuit sous la pluie, des fois pour régulariser les papiers avec l’agence où les agents nous traitent moins que des humains, dans des conditions insupportables. Quelques années plus tard, je suis reparti au Congo et tout ce que j’avais connu n’existait plus. J’ai perdu la majorité de mes amis et je me sentais plus chez moi à Johannesburg qu’au Congo. C’est ainsi que je suis revenu, je me suis lancé dans une petite affaire de photographie et vente d’habits et de chaussures importés. Je me suis marié à une Sud-Africaine et ai commencé ma vie de famille, nous avons un petit garçon.

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« J’ai immigré en Afrique du Sud il y a 12 ans, et j’avais alors 23 ans ».

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Quand on lui demande ce qui se passe. Il répond:

« Je vis en Afrique du Sud depuis 12 ans, et la discrimination a toujours été ressentie presque partout, dans le taxi-bus quand on ne parle pas la langue locale, on est traité comme un animal. Le fait juste d’être noir de teint et d’être physiquement différent fait de nous des cibles. Des tracasseries policières sont subies de jour en jour ;  même quand nos papiers sont en ordre, on est forcé de les payer pour qu’ils nous laissent partir.

On en entend de toutes les couleurs, ici, les vidéos montrant la violence subie par nos frères africains sous prétexte de vente de drogue sont juste une mascarade que le Sud-Africain utilise pour exprimer  l’incompétence du gouvernement, le problème d’immigration est une crise globale et la manière dont elle est gérée ici n’est pas du tout la meilleure. Il y a compétition dans presque tous les domaines et seul le plus fort ou le plus expérimenté survit. Le pire est que les Sud-Africains croient que les étrangers leur ravissent les opportunités ici,  or, ce n’est pas le cas, parce que,  nous, les étrangers qui vivons ici, ne pouvons pas être embauchés dans des compagnie locales, donc nous sommes laissés à notre propre sort, qui est de créer des petites opportunités pour nous-mêmes. »

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Je ne suis pas sud-africain,  le processus pour acquérir ce papier en tant qu’immigrant est presque impossible, même quand on bâtit une famille avec des Sud-Africains.

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L’Afrique du Sud est la seule place où j’ai eu la stabilité émotionnelle et mentale. Elle sera toujours un chez moi, car je ne peux  pas laisser mon fils grandir sans son père biologique pour lui apprendre à devenir un homme important dans la société.

A la question : avez-vous peur pour vous à Johannesburg ?

« Oui, à Johannesburg, on est toujours en danger en tant qu’étranger, car certaines personnes nous donnent une mauvaise image, on ne sait jamais quand notre tour viendra et ça crée une insécurité totale, donc je prie que Dieu nous protège de ce fléau qui nous fait perdre des frères et sœurs tous les jours. Ce qui est intéressant est qu’il y a des Chinois et d’autres nationalités à peau claire qui ont aussi des petites affaires comme nous, et qui ne sont pas affectés, mais nous, frères noirs, nous nous faisons attaquer même pendant la nuit. »

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Propos recueillis par Dominique LANCASTRE (Ceo Pluton-Magazine)

Pluton-Magazine Paris 16eme/2019

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