Discours sur les nouveaux colons noirs qui gouvernent l’Afrique : la tyrannie de la minorité 

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ALAIN ALFRED MOUTAPAM

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Il est des temps où la voix du poète se doit de défier les profondeurs de ses silences, pour épouser et porter au plus haut le cri de détresse, le cri de chagrin, le cri de désespoir profond de ce peuple qui est sien. 

Après tant d’années d’espérances déçues, après tant de compromissions, tant d’échecs, tant de prévarication et tant de gaspillage de nos richesses communes par une certaine élite, on peut raisonnablement s’interroger si ceux qui ont depuis des décades, la lourde responsabilité de conduire le destin de l’Afrique noire, sont à la hauteur des lourdes missions qui leur sont assignées.

Qu’ils soient présidents de la République, Premiers ministres, ministres, députés, sénateurs, directeurs généraux, juges, hauts gradés de la police et de l’armée, etc., etc., force nous est donnée de constater, au regard du délabrement profond des pays d’Afrique noire, mieux, de l’état de désolation, d’insécurité et de pauvreté profonde que subissent les populations africaines dans leur grande majorité, qu’il n’y a absolument plus rien à attendre de la plupart de ceux qui  gouvernent actuellement  les Républiquettes de l’Afrique noire. 

Dans leur majorité, ces dirigeants ont démissionné de leurs responsabilités de servir, encore servir, toujours servir, tout en évitant les pièges tendus par les prédateurs internationaux des matières premières et richesses africaines. Gouverner en Afrique en ce siècle ne prend tout son sens que lorsqu’on sait prévoir, anticiper, déjouer les complots multiformes ; mais aussi et surtout, être le grand serviteur de son peuple, et singulièrement des plus nécessiteux.

Regardez l’état de nos écoles, de nos collèges, de nos lycées, de nos universités, de nos hôpitaux, de nos marchés, de nos ponts, de nos rails, de nos trains, de nos routes, de nos bâtiments publics !

Observez l’architecture de nos villages, de nos villes, de nos quartiers !

Quelle désolation !

Jour après jour, année après année, drame après drame, l’image de l’Afrique, sa respectabilité, son prestige, son influence, son essor, prennent des coups et se dégradent, dans l’indifférence quasi générale de ceux censés être les garants de notre bien-être ici-bas.

Dans ces conditions, il va sans dire que la plupart de ces hommes et femmes actuellement en poste dans la majorité de nos pays d’Afrique ne sont pas à leur place.

De milliers de jeunes Africains perdent leur vie depuis des années dans le désert du Sahara ou dans la mer Méditerranée, sur les routes de l’Occident, à la recherche de quelque espoir.  Mieux vaut mourir d’espoir ailleurs que de mourir de désespoir sur place est leur credo, ce, nonobstant tout le potentiel en ressources humaines et toutes les richesses que recèle le continent africain.  Tout ceci fait la honte de nos peuples et ternit l’image de l’Afrique partout dans le monde. Nous sommes devenus la risée des peuples du monde, du simple fait d’un groupuscule de personnes extrêmement égoïstes, qui après avoir remplacé le colon et l’esclavagiste d’hier, se révèlent être parfois plus féroces et impitoyables que les envahisseurs d’hier. Le nombre de prisonniers politiques innocents qui croupissent pendant des décades dans nos prisons infectes, sans oublier les journalistes et hommes politiques brutalement assassinés sous les ordres de nos nouveaux colons noirs, en est la parfaite illustration.

Les nouveaux colons noirs d’Afrique, cette minorité qui règne par la terreur, ces empereurs autoproclamés ou non, sont manifestement voraces, cupides, insatiables et très souvent cruels envers tous ceux qui osent s’opposer à leur folie d’accumulation et à leur soif du pouvoir pour le pouvoir. Que dire de leurs comptes bancaires et autres investissements à l’étranger ? S’y intéresser, c’est véritablement faire le pari d’être victime d’un infarctus. Comment est-il moralement possible pour un humain normalement constitué d’accumuler autant de richesses matérielles en une seule existence terrestre, au nez et à la barbe de son peuple, pendant que la majorité de ce peuple vit sans eau, sans électricité, sans soins, ni quelque minimum journalier ? 

Que dire de leurs parodies d’élections aux résultats préalablement connus ? Quant à l’indépendance des pouvoirs : exécutif, législatif et le judiciaire, c’est un leurre auquel ils sont les seuls à croire. Et chaque fois que le peuple ou un groupe de personnes averties, ose se lever pour exiger un peu plus de justice, de liberté, de démocratie, de transparence dans la gestion des richesses du peuple, la tyrannie de la minorité oppose une violence disproportionnée en faisant intervenir la police, l’armée, des juges, et d’autres mercenaires qui sont à sa solde.

Jusqu’à quand nos peuples livrés à leur pauvre sort continueront-ils à subir cette violence d’une élite minoritaire et tyrannique, censée pourtant être à leur service ?

Ayant pris conscience que nos élites et autres gouvernants ne le  sont très souvent que de nom, conscients que leur mission n’est pas de servir mais de se servir d’abord tout en garantissant les intérêts des étrangers qui les protègent, et à qui ils doivent leur pouvoir, il incombe dorénavant à chaque fille et fils d’Afrique d’être utile à sa terre et à l’humanité entière, du mieux qu’il peut, et à la place qu’il occupe, partout où il se trouve sans  plus rien attendre de nos nouveaux colons noirs.

En effet, ayant été incapables à ce jour de changer de nous-mêmes nos pays par le haut, incapables de choisir nous-mêmes nos dirigeants, incapables de renouveler nos gouvernants, incapables de nous doter d’institutions politiques qui épousent notre conception du monde, notre vision du développement, du fait de la brutalité de nos gouvernants, soutenus par des milices chèrement payées, ainsi que par les puissances néo-colonialistes qui ont une mainmise sur la totalité de nos matières premières et richesses diverses, prenons l’engagement d’activer le changement par le bas.

Qu’est-ce-à-dire ? Sinon que chacun d’entre nous, quels que soient son métier et son lieu de résidence, doit être le garant du changement qu’il souhaite au sommet de l’État. Ce, dans son comportement irréprochable, la qualité de son travail, le sérieux, et l’exemplarité dans ses relations envers autrui. Nous nous devons tous d’être dans la recherche constante de la justice, de la vérité et de l’harmonie dans chacune de nos actions. La pensée juste, la parole juste et l’action juste, comme le professaient nos pères d’antan, tel doit dorénavant être notre credo.

Ce n’est qu’ainsi que nous pourrons un jour prochain dire avec fierté à nos enfants que : pendant la longue période de régression et de brouillard que traversa notre continent et nos pays respectifs, nous fîmes tout ce qui relevait de notre pouvoir.

C’est ainsi que, j’en suis convaincu, nous contribuerons peu à peu et dès aujourd’hui, à bâtir une nouvelle Afrique, un nouveau continent, une nouvelle humanité habitant un nouvel état de conscience. Ce qui produira inévitablement un nouveau leadership, plus soucieux de l’intérêt général, à l’écoute de toutes les couches de la population, peu enclin à la corruption, à la soumission et au diktat des puissances prédatrices.

C’est cette ambition qui m’anime en ce jour, mais en attendant ces temps nouveaux où nous aurons enfin des élites que nous aurons choisies, des institutions qui seront le fruit d’un consensus général, des infrastructures à la mesure de nos richesses, je vous invite à ne plus avoir peur à s’engager pour qu’advienne le changement que nous méritons.

Le changement ne viendra de nulle part ailleurs, si ce n’est par des Africains eux-mêmes.  Engageons-nous dans des associations, dans des groupes de réflexion, dans des partis politiques : dans nos quartiers, municipalités, régions, pour que toujours, nous soyons dans l’action utile.

Une Afrique nouvelle et prospère verra bientôt le jour, j’en suis convaincu. Et ses enfants de toutes origines marcheront alors main dans la main, pleins de confiance en leur avenir. Conscients que par le travail, la persévérance, la probité morale et le mérite, ils pourront atteindre les cimes de la société.

Voilà l’espoir qui m’anime en ce jour, et je ne puis terminer ce propos sans vous inviter à aller propager, partout où besoin est, ce message d’un jour nouveau, pour les enfants d’Afrique qui croient en des jours meilleurs ; où chacun d’eux sera l’acteur principal du changement qu’il souhaite pour son peuple, son continent, et oui, pour l’humanité entière !

Vive l’Afrique qui vient !

Vive l’humanité nouvelle !

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ALAIN ALFRED MOUTAPAM

PLUTON-MAGAZINE/2022

ALAIN ALFRED MOUTAPAM
Poète – Écrivain Enseignant – Éducation Nationale Française
Doctorant en diplomatie culturelle 

Photo couverture par Oluwaseyi Aiyeobasan de Pixabay 

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